Rares sont les premiers romans dont on tombe d’emblée amoureux. Le bruit des autres, le superbe coup d’essai d’Amy Grace Loyd, est de ceux-là. Avec son étonnant mélange de bizarrerie, de mystère, de sensualité. Sa manière d’ouvrir la porte aux odeurs, aux bruits, aux sons. De parler des coups que la vie donne et des bonheurs qu’elle sème.
Responsable de la fiction au magazine Playboy, Amy Grace Loyd met en scène une "femme jeune ou plutôt jeune". Celia Cassil dit qu’elle ne manque pas de charme mais qu’elle n’est pas belle. L’héroïne du Bruit des autres est veuve depuis la disparition d’un mari dont le cancer a été décelé trop tard.
Avec l’argent qu’il lui a laissé, Celia a acheté un immeuble à Brooklyn où elle loue des appartements et des studios. A George, un lecteur de Colette et de Simone de Beauvoir. A M. Coughlan, ancien capitaine de ferry. Aux Braustein, Angie et Mitchell. Le quotidien de cette femme très attachée à la vie privée et au respect de l’intimité vacille quand débarque Hope.
Une proche de George qui souhaite sous-louer son appartement pendant qu’il part au chevet d’un ami malade. Hope a des épaules larges et de longues jambes. Un fils, Leo, encadreur, et une fille, Danielle, qui a étudié à la Sorbonne. Hope a quitté son mari volage et menteur, porte un parfum floral et épicé. Elle a aussi un amant, Les, manifestement capable de se montrer violent…
On est d’un bout à l’autre sous le charme d’une musique entêtante. D’une écriture élégante. D’une mélancolie contagieuse. Amy Grace Loyd émeut au possible avec ce double portrait de femmes blessées. Une Celia qui garde toujours à portée de main un exemplaire de Moby Dick, repense sans cesse à son époux qui adorait qu’elle lui fasse la lecture et boit parfois du vin argentin à la bouteille. Et une Hope qui peut aller loin dans l’abandon tout en voulant essayer de se rappeler qui elle est.
Dans un monde rêvé, Le bruit des autres deviendrait un best-seller. Quoi qu’il en soit, c’est d’ores et déjà un roman culte qu’on offrira autour de soi. Al. F.