Dix écrivains ont lancé, jeudi 9 décembre, un appel en soutien à Régis Jauffret, auteur de Sévère, une fiction inspirée du meurtre du banquier Edouard Stern par sa maîtresse Cécile Brossard en 2005, et poursuivi en justice par la famille de la victime pour “atteinte à la vie privée”. La famille réclame l'interdiction du livre.
Les signataires de ce texte rédigé sous forme de pétition sont Christine Angot, Frédéric Beigbeder, Marie Darrieussecq, Virginie Despentes, Philippe Djian, Michel Houellebecq, Bernard-Henri Lévy, Jonathan Littell, Yann Moix et Philippe Sollers.
En octobre dernier, la famille d'Edouard Stern a engagé des poursuites judiciaires à l'encontre de l'écrivain et de son éditeur Le Seuil qui a publié le roman en mars 2010.
“Sévère est, sans conteste, un roman, estiment les écrivains. C'est à dire une oeuvre de fiction. C'est à dire un texte qui, même si l'imaginaire se nourrit toujours du réel, n'entend évidemment pas rendre compte de manière factuelle de la réalité. De nombreux articles, des livres à prétention documentaire, souvent injurieux ou diffamatoires envers la victime, ont été publiés depuis le meurtre sans avoir fait l'objet d'aucune plainte. Et c'est à l'oeuvre de fiction, au travail de l'écrivain, qu'est étrangement réservé le douteux privilège de cette attaque et de cet appel à l'interdiction.”
Si le tribunal devait donner raison à la famille, “un acte de censure en bonne et due forme ruinerait l'oeuvre d'un auteur comme elle le faisait à une époque que nous pensions, dans les pays démocratiques au moins, à jamais révolue ; un précédent se créerait, auquel nous ne nous résignons pas et qui rappelerait le temps où l'on voulait brûler - pour ne parler que des plus grands - les livres de Jean Genet ou de Pierre Guyotat.”
C'est pourquoi les écrivains demandent “solennellement” à la famille du banquier “de revenir sur une décision si évidemment attentatoire à cette liberté de créer à laquelle ils ne peuvent pas ne pas être, eux aussi, attachés. Nous leur demandons de renoncer à une initiative judiciaire qui constituerait un navrant et terrible précédent.”
Et de conclure: “En demandant l'interdiction du roman, on ne répare pas le crime, on en commet un autre - contre l'esprit, celui-là.”
La pétition est diffusée sur les sites Internet des Inrockuptibles et de La Règle du jeu.