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"Instaurer un dialogue avec les lecteurs", tel est le credo de Glenn Tavennec, qui dirige la collection "R" pour les ados chez Robert Laffont. Depuis le lancement de la collection en janvier, il communique directement avec eux à travers les réseaux sociaux, "une démarche différente de celle du marketing, une autre façon d'être éditeur", souligne-t-il.

Glenn Tavennec- Photo OLIVIER DION

Donner la parole aux lecteurs et aux blogueurs, avoir leur avis critique sur les livres et, en retour, les informer sur ce qui se publie à l'étranger, sur les films en préparation et autres scoops... au-delà de l'animation classique de réseaux sociaux, Glenn Tavennec développe un lien étroit avec ses lecteurs. Il y consacre beaucoup de temps, "en plus des tâches éditoriales traditionnelles", et ses interventions s'ajoutent à celles du community manager qui anime la page Facebook "R".

Pour cela, il dispose d'un compte Twitter, d'une page Facebook, sur laquelle les lecteurs peuvent le contacter directement, et d'un "Club Facebook" fermé, réservé à un nombre privilégié de blogueurs, qui joue le rôle d'un comité de lecture, reçoit les textes à l'avance, participe au choix d'une couverture. "Nous ne leur cachons rien du processus. Pour la couverture de Night School 2, ils ont donné leur avis sur les personnages, ont vu les "shootings" et sont même allés sur la page de la photographe." Il répond à leurs questions, écoute leurs suggestions, les tient en haleine, se met en scène et, comme un grand frère, calme le jeu quand la panique s'empare du Web parce qu'ils découvrent qu'un pseudonyme cache quatre auteurs, "ce qui n'est pas important si le livre leur plaît", assure l'éditeur.

"Il faut faire confiance aux ados, plaide Glenn Tavennec. C'est un véritable échange, et je ne cède pas à toutes leurs demandes, je leur ouvre les portes de l'édition sans me laisser dicter ma conduite ni mes choix d'éditeur. Mais ils me poussent à chercher des textes originaux et à prendre plus de risques.

Solidarité face à la crise

 

Dans un contexte économique très tendu, les petites maisons imaginent d'autres manières d'exercer leur métier d'éditeur, en misant en particulier sur la mutualisation des moyens.

 

Mélanie Decourt et Laurence Faron, cofondatrices de Talents hauts.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

En temps de crise, il faut redoubler ses efforts pour être présent, pour défendre ce que l'on fait", s'exclame Mathilde Davignon, des éditions des Braques, spécialisées dans les livres-CD et diffusées par Harmonia Mundi. Dans un contexte économique difficile, les petits éditeurs jeunesse, à la trésorerie fragile, cherchent des voies pour résister. "Je crois à la mutualisation des moyens. Quand les temps sont durs, il faut se serrer les coudes et réunir nos forces", déclare pour sa part Brigitte Stephan. L'éditrice qui a repris il y a trois ans Le Baron perché, diffusé et distribué par le CDE et la Sodis, édite des albums et la collection "Comment parler d'art aux enfants". A son initiative, HongFei Cultures et Talents hauts (toutes deux diffusées par Volumen), avec lesquelles elle a noué "une amitié au Salon de Saint-Paul-les-Trois-Châteaux", ont organisé en septembre avec Le Baron perché une rencontre avec les libraires. Chaque maison y a présenté sa ligne éditoriale et ses nouveautés, et un auteur-illustrateur.

Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob de HongFei Cultures.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

"Certains libraires ne connaissaient pas nos livres, dont les histoires issues de la tradition chinoise sont illustrées par des artistes français : cela devrait les aider à les vendre", note Loïc Jacob, fondateur avec Chun-Liang Yeh de HongFei Cultures. "La petite taille de nos maisons nous donne à la fois souplesse et réactivité : nous avons décidé de la réunion en juin et l'avons organisée en septembre. L'expérience a été très positive", commente Mélanie Decourt, fondatrice de Talents hauts avec Laurence Faron. Les trois partenaires ont renouvelé l'expérience en prenant un stand commun à la Fête de l'Humanité. "Cela permet de réduire les coûts, d'avoir un stand plus grand et davantage de visibilité", précise Brigitte Stephan

ÊTRE PRÉSENTS

Natalie Vock-Verley, éditions du Ricochet.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

Au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, Le Baron perché partagera son stand avec la petite maison de poésie A dos d'âne, tandis que les éditions du Ricochet (diffusion EDI) partageront le leur avec Picquier Jeunesse. "Je rêverais de faire une tournée des grandes villes de France, d'aller à Lyon ou à Marseille pour rencontrer les libraires. On peut aussi imaginer partager d'autres services comme ceux de l'expert-comptable, d'un coursier, de La Poste... Mais il faut des maisons de taille équivalente pour que ça fonctionne", ajoute Brigitte Stephan.

Brigitte Stephan, Le Baron perché.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

De son côté, HongFei Cultures essaie de créer l'événement autour de ses illustrateurs qui sont aussi peintres : une exposition dans une galerie ou une médiathèque est l'occasion de défendre les livres de l'artiste, avec un rayonnement régional. Pour Talents hauts, l'une des solutions est aussi de développer d'autres réseaux de diffusion. "Nous cherchons à toucher le milieu scolaire, difficile à pénétrer, d'autant plus que les enseignants sont habitués aux spécimens envoyés par les grandes maisons. Pourtant, notre ligne éditoriale - lutte contre le sexisme, bilinguisme- les intéresse", raconte Mélanie Decourt.

Mathilde Davignon, éditions des Braques.- Photo PHOTOS : OLIVIER DION

Construire un réseau, être présents sur les petits salons des CDDP et CRDP et faire appel à Apologue Diffusion, qui défend de nombreuses petites maisons pour la jeunesse en milieu scolaire, ont été les outils mis en place. "Dans ce contexte, on mise encore plus que d'habitude sur l'international. Nous sommes allées à Abu Dhabi et nous avons été présents sur toutes les manifestations jeunesse du Bief. Nous avons un nouvel agent au Japon, en Espagne et au Brésil", déclare Natalie Vock-Verley, qui a rejoint il y a trois ans Marguerite Tiberti, fondatrice des éditions du Ricochet.

PAS DE MOROSITÉ

Si la crise est bien là et si les éditeurs tendent à réduire leur présence physique sur les salons et à ajuster les tirages, comme le souligne Mathilde Davignon, aucun d'entre eux ne se laisse aller à la morosité, ni ne souhaite réduire les investissements éditoriaux et de fabrication. Dans leur troisième année d'activité, Le Baron perché, Talents hauts et les éditions des Braques enregistrent un chiffre d'affaires en progression, grâce à une plus grande notoriété, notamment auprès des libraires. HongFei Cultures et Ricochet admettent que le changement de diffuseur les a aidés à passer un cap difficile. Le Baron perché augmente même sa production et passe de >16 à >24 titres cette année, "afin d'être plus visible sur le marché", et HongFei Cultures de >7 à >10 >titres, "mais uniquement parce que notre trésorerie le permet", souligne Loïc Jacob. "La crise nous oblige à être attentifs. Nous mettons de l'argent dans le développement, dans la qualité des livres", souligne Brigitte Stefan. "Nous avons gagné en notoriété, les auteurs et illustrateurs nous sollicitent. Maintenant, il faut transformer l'essai", confirme Mathilde Davignon, qui prépare son premier ebook enrichi.

Montreuil plus pro et plus numérique

"Faire se rencontrer les éditeurs, les auteurs, les illustrateurs avec les producteurs de cinéma, de télévision, de contenu numérique... et développer le cross-média" : Sylvie Vassallo, directrice du CPLJ 93, l'organisateur du Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, souhaite plonger les professionnels dans l'univers numérique. Pour cela, le Mïce (Marché interprofessionnel et international de la création pour enfants) se tiendra parallèlement au salon du livre dans un espace au troisième étage. Il sera animé chaque jour par un événement : les mercredi 28 et jeudi 29 novembre seront consacrés aux rendez-vous entre producteurs en quête d'ouvrages à adapter ou d'univers graphiques, créateurs et éditeurs.

Le Mïce numérique propose ensuite une journée de conférences le vendredi 30 novembre, "De la page à l'écran", en partenariat avec Le Forum blanc d'Annecy et Livres Hebdo. Barbara Marcus, présidente de Random House Children's Books, qui présentera un état des lieux du marché numérique américain, Kate Wilson, fondatrice de Nosy Crow, éditrice de livres et d'applications (notamment en coédition avec Gallimard Jeunesse), Max Whitby, cofondateur de Touch Press, créateur de documentaires sur tablettes, et Etienne Mineur, des éditions Volumiques, éditeur qui allie papier, applications et jeux sur iPad, animeront la matinée intitulée "Regards croisés entre les pays anglo-saxons et la France". L'après-midi, sur le thème "Diffusion et médiation à l'ère numérique", interviendront l'unité jeunesse de France Télévisions ; Gwenaëlle Le Cocguen, directrice Internet et nouveaux usages, et Benoît Roque, directeur commercial pour les chaînes Lagardère Active ; Dominique Deschamps, directrice, et Christian Benoît, responsable du portail Medi@tic des médiathèques de Plaine Commune ; et Stéphane Michalon, directeur d'ePagine.

NUMÉRIQUE ET CINÉMA

Le Mïce numérique se poursuivra le lundi 3 décembre par une journée de rencontres où seront présentes une quinzaine de sociétés, afin de "faire découvrir les dernières tendances de la création numérique, les équipements, de suivre des débats et des conférences, de repérer de jeunes talents ou de rencontrer de nouveaux interlocuteurs".

Le Salon du livre et de la presse jeunesse lance aussi, en partenariat avec l'Association 2R3 et Imaginove, un concours de création numérique : développeurs et scénaristes devront créer une bande-annonce originale ou une maquette de livre applicatif à partir d'un des 5 albums sélectionnés (Anne Herbauts, François Place, Olivier Douzou, Gwen Le Gac ou Gwendal Le Bec) et la présenter à un public d'investisseurs potentiels (éditeurs, producteurs, diffuseurs, studios de création cross-média). Tandis que, sur le salon lui-même, on retrouvera sur le pôle Numérique 10 exposants (le double de l'année dernière) - ABC Melody, Byook, Editions Volumiques, e-Toiles, Hatier, La Souris qui raconte, L'Apprimerie, Slim Cricket, Webdokid, Zabouille -, des ateliers et rencontres, et la célèbre tablette XXL que les enfants ont adorée. Ils pourront aussi tester la "Biblioconnection", dans l'exposition "28° W", une bibliothèque numérique interactive qui utilise les techniques des jeux vidéo : 8 livres sont projetés sur un grand écran et les gestes des enfants permettent de progresser dans l'histoire... Un nouveau prix littéraire accompagne l'ensemble, la Pépite de la création numérique, qui sera décernée, comme les autres Pépites, le 22 novembre, en avant-première du Salon.

Côté image, le Mïce de l'image se déroulera le samedi 1er décembre dans un nouvel espace d'exposition et de vente exceptionnelle d'illustrations et de tirages limités ; il se terminera par une vente aux enchères d'illustrations et de planches BD, au profit de l'association Des livres pour tous, qui construit des maisons de quartier-bibliothèques en Afrique. Vu les nombreuses adaptations au cinéma - Aya de Yopougon, Ernest et Célestine, Jean de la lune, Kali le petit vampire, Kirikou et les hommes et les femmes, Le Petit Gruffalo, Ma maman est en Amérique, Mon tonton ce tatoueur tatoué, pour n'en citer que quelques-uns -, la manifestation met aussi l'accent sur le cinéma. Le pôle Cinéma fera découvrir au public les coulisses de la création cinématographique d'animation, à travers des lectures de scénarios par des comédiens, des discussions autour de films en construction, la projection de making of, des ateliers de création sonore et des avant-premières au cinéma Le Méliès, à Montreuil (plus d'une vingtaine de films seront projetés). Et une Pépite de l'Adaptation cinéma sera aussi remise le 22 novembre.

LES 30 MEILLEURES VENTES EN JEUNESSE


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