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Eco-gestion : Back to business

La monnaie européenne - Photo Olivier Dion

Eco-gestion : Back to business

Revenu à son niveau de 2019, le marché du livre d'économie et de gestion a aussi renoué avec ses fondamentaux : la domination du fonds et la relative difficulté à faire émerger des nouveaux concepts éditoriaux.

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Par Charles Knappek
Créé le 23.02.2022 à 11h30

Après deux exercices sous le signe de la pandémie, le marché du livre d'économie et de gestion affiche un beau dynamisme. En croissance de 10 % en valeur par rapport à 2020, il a aussi retrouvé le niveau qui était le sien en 2019, période qui s'était justement déjà caractérisée par une forte reprise de l'activité. « L'année 2021 a été très bonne, nous avons dépassé de 10 % les objectifs que nous nous étions fixés en termes de vente, se réjouit Delphine Levêque, directrice éditoriale entreprise et économie chez Dunod. Nous sommes contents de voir l'activité repartir sur le segment professionnel. » De la même manière chez Diateino (groupe Trédaniel), le directeur éditorial Jean Staune dresse un « excellent bilan » de l'année écoulée. « Nous sommes à +64 % par rapport à 2020, et plus 42 % par rapport à 2019, détaille l'intéressé. Nous avons également bénéficié de la dynamique induite par notre passage à la diffusion Interforum le 1er janvier 2021. »

Ces bons résultats d'ensemble sont d'autant plus encourageants que 2021 n'a pas été un exercice plein, les premiers mois de l'année ayant encore été marqués par la fermeture des principales Fnac, pour des raisons sanitaires. « On connaît l'importance des GSS, en particulier pour le rayon éco-gestion, qui n'est pas toujours très fort dans les librairies indépendantes », rappelle Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale du pôle non-pratique chez Leduc.s, présent sur le marché à travers sa marque business Alisio. Malgré ce contexte, Alisio affiche une progression de 22 % de son chiffre d'affaires par rapport à 2019, notamment porté par les habituels long-sellers de Robert Greene et Olivier Roland.

De fait, le fonds ancien pèse lourd dans les ventes. Selon Gfk, c'est aussi lui qui enregistre la plus forte croissance (+31 % en volume, contre seulement +6 % pour le fonds récent et +2 % pour les nouveautés).

Des chiffres qui se vérifient par l'écrasante domination des livres du fonds dans notre classement des meilleures ventes Gfk / Livres Hebdo (lire p. 74).« Les long-sellers business se sont très bien maintenus », confirme Florence Young, directrice du pôle éducation chez Pearson. Les ouvrages classiques comme Alerte sur la banquise, Lean management ou Stratégie Océan Bleu dominent ainsi le catalogue de l'éditeur.

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Florian Migairou, responsable éditorial chez Eyrolles.- Photo OLIVIER DION

Nouvelles collections

De manière plus diffuse, les collections d'entreprise, à l'instar de « La boîte à outils » chez Dunod ou « Pro en » chez Vuibert, contribuent aussi de tout leur poids à la vitalité du secteur et continuent d'être développées. En 2022, Dunod refond notamment sa Boîte à outils du management, écrite par de nouveaux auteurs, et parvient encore à trouver des sujets inédits, malgré un catalogue de plus de 80 titres. L'éditeur annonce notamment pour mars un titre abordant la levée de fonds. En avril, Vuibert proposera de son côté quatre nouveaux « Pro en » dédiés à la ludopédagogie, l'agilité, les réseaux sociaux et l'e-commerce.

Certaines collections lancées récemment ont également vu leurs ventes augmenter au rythme du retour à la normale en librairie. C'est le cas de « My Happy Job », chez Vuibert, inaugurée en mai 2020 au sortir du premier confinement. « Les ouvrages de "My Happy Job" gagnent à être vus et consultés en librairies, souligne Émilie Lerebours, responsable d'édition chez Vuibert. Notre dernière vague de nouveautés, parue en octobre, a été la première à sortir dans un contexte hors confinement qui a favorisé les achats d'impulsion auxquels nous croyons depuis le lancement. »

De la même manière chez Eyrolles, la collection d'efficacité professionnelle « Eyrolles Learning », inaugurée en 2021, poursuit son déploiement. Elle s'enrichit de trois nouveautés en mars et avril qui aborderont les thématiques du travail en équipe, du pilotage d'une association et de l'intelligence émotionnelle. « La collection est encore en phase d'installation, elle est appréciée des libraires », souligne Florian Migairou, responsable de secteur éditorial économie-gestion.

D'autres projets sont à venir : dans une logique de structuration de son catalogue, Pearson annonce pour septembre 2022 le lancement d'une collection « Les compétences du futur » (le nom est susceptible d'évoluer), centrée sur la notion de soft skills, ou compétences douces. « La première compétence recherchée par les entreprises est la capacité à résoudre des problèmes et à développer une pensée critique, rappelle Fabienne Boulogne, responsable éditoriale et e-learning chez Pearson. Avec Les compétences du futur, nous allons proposer des livres pragmatiques et pédagogiques qui bénéficieront en plus de la caution de TalentLens, notre département RH. » Trois titres ouvriront la collection autour des thématiques du capital enfance, de la construction d'un projet professionnel et de la pensée critique au service de l'adaptabilité.

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Jean Staune dirige les éditions Diateino.- Photo OLIVIER DION

 

C'est justement aux compétences douces que Dunod a consacré sa dernière collection « Les carnets soft skills », inaugurée en octobre 2021 avec trois titres abordant la prise de décision, l'éloquence et le travail en équipe. « Le parti pris était de ne pas donner de recettes toutes faites, mais d'éclairer les sujets explorés à travers le prisme des sciences humaines, de la philosophie ou encore des neurosciences, explique Delphine Levêque. La collection a été très bien accueillie, nous avons déjà dû réimprimer certains de nos ouvrages. » Un quatrième titre consacré à l'intelligence émotionnelle est annoncé pour avril. Toujours chez Dunod, la refonte récente des collections « Management/leadership », « Ressources humaines » et « Marketing Communication » a contribué à relancer les ventes. Au premier trimestre 2022, l'éditeur poursuit son travail de modernisation avec la refonte annoncée des collections « Stratégie » et « Formation ». Les couvertures et maquettes intérieures seront revues afin d'aboutir à une mise en page plus aérée et plus fluide. Après la parution en septembre 2021 de la 13e édition du Mercator, Dunod revoit aussi cette année le concept et le nom d'un autre « Livre en or », le Manageor. L'éditeur change la formule et le nom du livre qui s'appellera désormais Managementor. « Nous avons conservé les auteurs Michel Barabel et Olivier Meier, précise Delphine Levêque. Mais nous leur avons demandé de repartir d'une page blanche pour proposer un livre entièrement nouveau dans son concept et son approche. »

D'ici la fin de l'année, Vuibert prévoit de son côté une nouveauté dans la collection « Performez ! », inaugurée début 2021 avec deux premiers titres centrés sur la vente et le marketing digital. « Nous avons eu un bon accueil de la part des professionnels désireux de rester à jour dans leur spécialité, explique Émilie Lerebours. La collection abordera un nombre défini de thématique, elle n'a pas vocation à accueillir beaucoup de titres. » A contrario chez Alisio, la collection « Travailler autrement », elle aussi lancée au début de 2021, n'a pas trouvé son public. Elle est arrêtée. « Nous avions dans l'idée de proposer une bibliothèque idéale du manager, énonce Danaé Tourrand-Viciana. Nous nous sommes aperçus que les lecteurs sont à la recherche de thématiques précises ou de parcours inspirants, sans logique de collection. » L'éditeur annonce désormais privilégier les titres en hors collection.

Covid et redimensionnement du travail

La crise sanitaire ne sera pas non plus sans conséquences sur l'organisation des entreprises. Plusieurs titres s'emparent du sujet, tels L'avantage humain d'Éric Singler, à paraître en juin chez Pearson, qui s'intéresse à l'utilisation des sciences comportementales, ou Managers, osez le courage de Margot Rambert (Vuibert). « Avec la banalisation du télétravail, la position du manager a été mise à rude épreuve par le Covid-19 », décrypte Émilie Lerebours. En mars, l'éditeur publie également Impliquer vraiment les salariés ? 20 pistes d'action pour renouer la relation entreprise-collaborateurs, de Gaëlle Roudaut et Fabienne Ravassart. De son côté, toujours en mars, De Boeck propose Bien dans votre job ! Les 25 astuces du psy... pour éviter d'aller le voir, d'Adrien Chignard. « Suite au redimensionnement du travail lié à la crise du Covid, cette approche renouvelée devrait intéresser un large public », escompte Dominique de Raedt, responsable éditoriale en économie et gestion chez De Boeck.

Delphine Levêque, directrice éditoriale chez Dunod.
Delphine Levêque, directrice éditoriale chez Dunod.- Photo OLIVIER DION

« Titre important » pour Pearson, la traduction de The Fearless Organization, d'Amy Edmondson, est annoncée pour juin. L'auteure y explique en quoi garantir la sécurité psychologique des collaborateurs est bénéfique pour les entreprises. Thème récurrent du rayon business, le bonheur au travail est d'ailleurs abordé par plusieurs ouvrages au premier semestre. Chez Eyrolles, Alexandre Dana publie Entreprendre et (surtout) être heureux, qui recense « les six blessures qui empêchent les entrepreneurs d'accéder au bonheur ». Alisio propose pour sa part le nouveau roman du coach à succès Anthony Nevo, Il suffit d'une décision pour changer de vie, à la frontière entre Raphaëlle Giordano et Olivier Roland. L'éditeur vient déjà de faire paraître Tout est possible, de Marie Forleo, une coach et entrepreneuse américaine suivie par plus de 500 000 personnes sur sa chaîne YouTube et adoubée par Oprah Winfrey.

Au printemps, Alisio publiera également, dans le cadre d'un lancement mondial dans 27  pays, le nouveau livre de Susan Cain, Le bonheur d'être triste (Bittersweet : How sorrow and longing make us whole en version originale). La conférencière américaine, déjà autrice du best-seller La force des discrets (Lattès, 2013) associe dans son ouvrage la mélancolie et la capacité à créer. Dans un positionnement voisin, La métamorphose du Phénix de Brian Tracy (Diateino) passe au crible « 12 compétences pour renaître professionnellement et personnellement ». Plus classiquement, Diateino vient également de publier Le grand frisson de Darren Hardy, ouvrage de conseils pour créer et gérer son entreprise. L'éditeur, sous la houlette de Jean Staune, accompagne par ailleurs la sortie de ses principaux livres de la diffusion de courtes vidéos de présentation sur les réseaux sociaux.

Au regard du succès durable des livres de Walter Isaacson et Ashlee Vance (respectivement biographes de Steve Jobs et Elon Musk), Philip Knight (fondateur de Nike) et du « loup de Wall Street » Jordan Belfort, tous habitués des meilleures ventes de livres d'économie et de gestion, les éditeurs sont aussi en quête de livres inspirants portés par des personnalités reconnues. Chez Eyrolles, Florian Migairou indique avoir établi une liste d'auteurs incontournables pour l'année en cours. L'éditeur a ainsi entamé l'année en publiant Mission BlaBlaCar - Les coulisses de la création d'un phénomène, par Frédéric Mazzella, fondateur et dirigeant du célèbre site de covoiturage. « BlaBlaCar est sans doute la plus belle licorne française, en tout cas la plus connue, détaille Florian Migairou. Dans son livre, Frédéric Mazzella retrace bien sûr l'histoire de son succès, mais il propose aussi un guide pratique d'entrepreneuriat qui fournit de nombreuses clés aux jeunes entrepreneurs. »

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Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale du pôle non-pratique chez Leduc.s- Photo OLIVIER DION

Plus exhaustif, De Boeck mise sur un ouvrage transversal : Ils font l'économie, 40 portraits d'entrepreneurs audacieux, cosigné par Florence Boulenger et Fanny Raimbault. Le livre est centré sur des créateurs français d'entreprise. En prospective, Diateino propose Douze années-lumière, de Jean-Baptiste Rudelle, déjà auteur chez Stock en 2015 du best-seller On m'avait dit que c'était impossible : le manifeste du fondateur de Criteo. Sous la forme d'un roman commenté imaginant la conquête spatiale dans un futur lointain, Jean-Baptiste Rudelle engage une réflexion sur les limites de notre modèle actuel de civilisation.  

Enfin, 2022 s'ouvre au regard de deux facteurs conjoncturels importants : d'une part, la crise du papier empêche les éditeurs d'être aussi réactifs que d'habitude. « Nous tirons plus large pour ne pas avoir à réimprimer très vite comme nous avions coutume de le faire quand nous étions une maison indépendante », témoigne Danaé Tourrand-Viciana, chez Alisio. D'autre part, élection présidentielle oblige, il y aura moins d'essais business en librairie. « L'espace est restreint pour nos thématiques en période électorale, rappelle Delphine Levêque. Nous y reviendrons au second semestre. » Dunod ne reste cependant pas complètement inactif. L'éditeur annonce pour avril Apocalypse Work, un essai de Frantz Gault s'intéressant aux mutations de la relation de travail. Autre exemple chez Diateino : Sésame pour l'avenir de Robert Salmon appréhende les enjeux majeurs du siècle, à l'aune des avancées technologiques les plus récentes et des questions éthiques qu'elles soulèvent parfois.

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