A 102 ans, le sociologue Edgar Morin sortira son deuxième roman écrit... en 1946, a-t-on appris auprès de la maison Denoël.
L’Année a perdu son printemps sortira le 5 juin prochain. Il raconte le parcours d’un jeune homme, Albert Mercier, né en 1921 et qui perd sa mère à l’âge de 10 ans, en pleine montée des périls, dans les années 1930, jusqu'à son engagement dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.
Un manuscrit découvert en 2013
« C’est une forme de trésor autobiographique, avec une écriture toute fraîche des évènements des années 1930 et 1940 » s’enthousiasme l’éditrice Dorothée Cunéo. P-DG de la maison du groupe Madrigall.
Le sociologue, auteur de nombreux essais dans une vie à rallonge, a récupéré le manuscrit auprès de l’Imec, l’Institut mémoires de l’édition contemporaine qui l’a recontacté récemment après le dépôt de ses archives dans les années… 1980 !
« Cela forme pourtant une unité malgré la disparité des feuilles du papier utilisé, râpeux ou épais, lisse ou fin, jauni ou encore blanc, intact ou écornés, réutilisé notamment à l’en-tête du Patriote Résistant », note Pascale Butel-Skrzyszowski, archiviste en charge du fonds d'Edgar Morin, qui a découvert le trésor en 2013.
« Nous avons récupéré deux caisses pleines de photocopies et avons mis de l’ordre dans ces écrits à 80% autobiographiques », explique l’éditrice.
« Je voulais savoir à l’époque si j’étais capable d’écrire un roman », avoue le centenaire. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait publier à ce moment-là ? « Je ne me rendais pas compte s’il était digne d’être publié et ne l’ai montré à personne. Peu après, je me lançais dans l’Homme et la mort et l’ai oublié », répond-il aujourd’hui.
1946, l'année du romancier Edgar Morin
Edgar Morin – qui a publié ou participé à près de 250 ouvrages selon les données d’Electre Data Services, a publié un petit roman dès 1947, aux éditions Nigel. Il s'agissait d'une satyre de l'administration post-conflit intitulée Une Cornerie. Ce n'est que 70 ans plus tard que son premier roman autobiographique, mettant déjà en scène Albert Mercier et également écrit en 1946, est publié. Il s’agit de L’Île de Luna, paru aux éditions Actes Sud en 2017 et écoulé à plus de 3 500 exemplaires selon GFK. Il y racontait le traumatisme de la mort de sa mère, Luna Beressi.
« Je l’ai écrit (...) quand j’ai eu une sorte de trou, de loisir, racontait-il au Républicain Lorrain lors de la parution de l'ouvrage. Ça devait être en 1947, chez une tante, à Nice. Après, j’ai eu l’envie de continuer l’aventure de ce personnage, mon alter ego [Albert Mercier, NDLR], et j’ai écrit une suite qui s’appelle L’Année a perdu son printemps. C’est le début d’un discours de Périclès quand il annonce aux Athéniens la défaite face aux Spartiates. Pour annoncer la mort des jeunes combattants : « La jeunesse a perdu sa fleur, l’année a perdu son printemps. » Je racontais, de façon un peu romancée, la mort de nombreux amis proches, pendant la guerre. Mais celui-là, je l’ai vraiment perdu. »
Il a donc fini par retrouver cet écrit qui sortira un peu plus de deux mois avant les commémorations des 80 ans de la Libération de Paris, à laquelle l'essayiste et donc romancier de longue date, a participé.
Pour L’Année a perdu son printemps, Denoël envisage un premier tirage à 20 000 exemplaires.