Editeurs en quête d’auteurs

"Il existe une cooptation entre les auteurs. C’est ce qui fait la force et la beauté d’une structure comme la nôtre : elle est choisie par les écrivains qui bâtissent un esprit maison." Yann Briand, Le Passage - Photo Olivier Dion

Editeurs en quête d’auteurs

A l’heure des réseaux sociaux, quand la concurrence fait rage autour des thrillers étrangers, les éditeurs s’appuient principalement sur des techniques traditionnelles pour dénicher les nouveaux auteurs français.

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Par Claude Combet
avec Créé le 18.03.2016 à 15h00

"J’ai mis sur pied un service de manuscrits qui n’existait pas à mon arrivée, dont Régis Delicata a la responsabilité. C’est un moyen de découvrir de nouveaux auteurs", déclare Valérie Miguel-Kraak, directrice de Fleuve éditions. Alors que les éditeurs se battent à coups d’enchères pour obtenir les droits d’un futur best-seller mondial, l’enjeu porte aussi sur les auteurs français. Les romans envoyés par la poste (ou par mail, la "poste moderne"), s’ils ne sont pas toujours réceptionnés et triés par un service de manuscrits, ont toujours une chance d’être lus et remarqués. "Julie Ewa, qui est une très jeune auteure de 23 ans, a envoyé son texte qui a été repéré par le service des manuscrits. Nous avons publié Les petites filles, qui traite de la politique de l’enfant unique en Chine, en décembre dernier", raconte Stéfanie Delestré, responsable des polars français chez Albin Michel. "Le deuxième roman que nous publierons dans la nouvelle collection est arrivé par la poste. Je n’y croyais pas. C’est le premier texte que j’ai lu en arrivant et il est d’une grande qualité littéraire", raconte Marc Fernandez qui lancera en 2017 la collection de polars de Plon.

Reste que l’envoi doit être ciblé. Les éditeurs sont unanimes : l’auteur doit connaître la ligne éditoriale et le catalogue de l’éditeur auquel il s’adresse ou se fait recommander. La notoriété de la "Série noire" ou de "Rivages/Noir" et celle de leurs directeurs sont établies depuis de longues années. "Susanne Stock, que nous publierons en octobre, a mis son texte sous enveloppe et ne l’a envoyé qu’à deux maisons. C’était un envoi ciblé. Cela permet d’établir une relation de confiance et un lien personnel entre l’auteur et l’éditeur", confirme Yann Briand, éditeur du Passage.

Le réseau est une autre source d’approvisionnement. Il n’est pas rare qu’un auteur, sur un salon, donne un manuscrit à un autre auteur qui se charge de le faire lire par son éditeur. Une histoire de famille en quelque sorte. "Il existe une cooptation entre les auteurs. C’est ce qui fait la force et la beauté d’une structure comme la nôtre : elle est choisie par les écrivains qui bâtissent un esprit maison", commente Yann Briand.

Bien sûr, les éditeurs de polars restent attentifs à ce qui se passe sur Internet et plus encore sur les réseaux sociaux. Littérature de genre par excellence, le polar s’appuie sur une communauté et attire les auteurs de fanfictions comme ceux en mal de reconnaissance qui s’autoéditent. Solène Bakowski, prix spécial du jury Amazon 2015 avec Un sac, a eu plus de 10 000 lecteurs sur la plateforme et a été repérée par l’éditeur Milady qui l’éditera au printemps dans "Milady thriller". "Elle avait envie d’une relation éditoriale. Elle va gagner un nouveau lectorat avec le papier", estime Lilas Seewald, responsable des thrillers de Bragelonne et de Milady. Depuis, l’auteure a autopublié deux autres titres : Chaînes en 2015 et Parfois on tombe en 2016. "Amazon ressemble à un grand dépôt de manuscrits. L’autoédition est un filtre, une sorte de premier marché avec un premier lectorat. Il y a différentes façons de fouiller sur la Toile, mais on recrute toujours de la même façon. Les plateformes d’autoédition sont juste un autre service de manuscrits", conclut Lilas Seewald, qui se dit "toujours attentive au Top 100 d’Amazon".

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