2 octobre > Roman France

Longtemps, Eric Laurrent n’a pas imaginé être père. Et d’ailleurs, imagine-t-on jamais vraiment de pouvoir l’être ? Puis, sous l’impulsion de sa femme Yassaman Montazami (auteure en 2012, chez Sabine Wespieser, d’un inaugural et très beau Le meilleur des jours), il s’y est, de guerre plus ou moins lasse, résolu. Le couple a engagé une démarche d’adoption et, au Maroc, un petit Ziad, placé dès sa naissance dans un orphelinat de Rabat, leur a été confié. Les gens heureux n’ont pas d’histoire et l’histoire de ce livre, ce Berceau, puisqu’il y en a une, est celle d’un bonheur reporté, différé, d’une attente où l’angoisse a toute sa part.

En cause, la décision de la justice marocaine, sous l’influence du gouvernement islamiste récemment nommé, non pas d’annuler les agréments d’adoption, mais d’interdire le départ des enfants vers les terres et les pays, non musulmans, de leurs parents adoptifs. Soumis à cet imbroglio plus politique encore qu’administratif, Eric Laurrent et sa femme élisent plus ou moins domicile à Rabat, se rendent quotidiennement à l’orphelinat où Ziad fait avec eux ses premiers apprentissages. Ils attendent. Ils s’exaspèrent un peu. Et puisque tout fait sens pour un écrivain, Laurrent observe le ciel et les fleurs, les femmes et les gamines, identiquement voilées, dans la piscine de son hôtel, une fille sur un scooter, il convoque le souvenir de Delacroix ou d’Edith Wharton. Surtout, il ouvre grand ses yeux sur Ziad qui ouvre grand ses yeux au monde. Bientôt, ces deux-là se connaîtront et se reconnaîtront. Le temps pour Laurrent de devenir père et d’écrire son plus beau livre.

Olivier Mony

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