Clara Lalix, 28 ans, s'est fait connaître il y a deux ans en racontant son expérience d'une interruption volontaire de grossesse (IVG), un récit publié sous la forme de vingt-six posts sur son compte Instagram @jeboisdescafésjemefaisavorter. Le même événement arrive à la jeune narratrice de Si les souvenirs sont bons, son premier roman. Mais ce n'est pas le sujet central de ce vrai faux journal qui parcourt dix ans de la vie de Garance, 17 ans en 2007, quand le roman débute. On la rencontre à la fin du lycée, au moment où ses parents se séparent dans la douleur. On l'accompagne jusqu'au premier vrai boulot de traductrice interprète dans une entreprise belge. Avant, elle aura abandonné une hypokhâgne au mois de février pour se faire embaucher comme animatrice dans un centre de loisirs en Savoie. Puis, elle se sera installée à Bruxelles, reprenant des études de lettres et commençant à prendre des notes et à faire des listes de noms pour des potentiels personnages de romans.
Il n'y a que très peu d'affects dans ce roman très contemporain qui met tout, et en particulier les sentiments, la sexualité, un peu à distance. Cynisme léger, désinvolture de même poids. Garance est un mélange d'intello, de fêtarde et d'amoureuse incertaine, qui fait le grand écart entre Booba et Badiou, PNL et Adorno. Qui, quand elle sort (souvent), associe plus qu'occasionnellement alcool et cocaïne. Elle qui termine parfois ses phrases par des « blablabla » désabusés, remarque que le plus souvent, elle « reçoit [ses] émotions en différé ». A 23 ans, que ressent-elle vraiment pour Ivan qui est en couple avec une autre fille ? « J'ai parfois l'impression que je ne vis pas les choses de mon point de vue ». Qu'a-t-elle éprouvé pour ce Nathan dont elle dit plus tard : « Je me rappelle l'avoir aimé mais j'ai oublié ce que ça me faisait sentir ». Elle résume : « A aucun moment je n'ai considéré qu'on m'avait brisé le cœur. Et si je l'avais pensé, ça n'aurait jamais été qu'une figure de style ». On pourrait dire que c'est un modèle de jeune Européenne du début du XXIe siècle qui se cherche, ou une fille « sans projet et sans ambition », comme le lui assène un certain Victor. A son grand-père en train de perdre la mémoire qui ne cesse de lui demander, comme si elle était encore enfant, ce qu'elle va faire de sa vie, elle répond : « Je crois que j'attends de voir ce qu'elle va faire de moi.»
Si les souvenirs sont bons
Flammarion
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 19 euros ; 224 p.
ISBN: 9782081443655