«L'essor du marché du livre numérique en Europe constitue une grande chance pour le secteur du Livre [...]. Dans toute l'Europe, des éditeurs et des libraires travaillent à forger et à mettre en oeuvre de nouveaux modèles économiques [...], qui s'ouvrent grâce à la numérisation de livres» affirment le Conseil culturel allemand, le Börsenverein (la fédération des libraires et éditeurs), le Syndicat national de l'édition et le Syndicat de la Librairie Française (SLF) dans une déclaration commune publiée à l'occasion d'un forum franco-allemand, à Berlin le 9 septembre.
Organisé et cofinancé par l'Institut français, le service culturel de l'ambassade de France à Berlin, et la foire de Francfort, et hébergé au siège de la Représentation européenne à Berlin, ce forum s'inscrit dans le cadre du lobbying que la France mène activement auprès des instances européennes pour maintenir un écosystème équilibré du livre à l'ère numérique.
La coopération franco-allemande s'épanouit sur un terrain d'entente sans nuage dans le livre. Ne trouvant pas une oreille aussi attentive de la part de leurs pouvoirs publics, ainsi que l'a regretté Alexander Skippis, directeur général du Börsenverei, les professionnels allemands du livre s'associent pleinement à leurs homologues français en la matière. Ils renforcent ainsi la légitimité de l'initiative française face à une Commission européenne méfiante devant toute toute réglementation particulière pour un secteur, comme a pu le constater Nicolas Georges, directeur du service du livre et de la lecture au ministère de la Culture, lorsqu'il a défendu en 2011 la loi sur le prix fixe du livre numérique.
Soucieux de ne pas apparaître passéistes ou défenseurs de leurs seuls intérêts, les professionnels du livre français et allemands plaident avant tout pour le maintien de relations équilibrées dans la chaîne du livre. «Le plus grand défi pour les acteurs européens du marché consiste aujourd'hui à s'affirmer face à des firmes mondiales de l'internet comme Amazon et Google et ainsi à garantir la diversité et la qualité du marché du livre numérique européen» poursuivent-ils ainsi dans leur déclaration.
"Une domination sans partage de ces entreprises extra-européennes aurait un impact majeur sur nos cultures"
Les entreprises du secteur, qui «représentent un marché de 40 milliards d'euros et assurent un emploi qualifié à 200000 personnes» font face à des multinationales «opaques et structurellement monopolistiques» insiste le texte. «Une domination sans partage de ces entreprises extra-européennes aurait un impact majeur sur nos cultures», alors que «jusqu'à présent, les éditeurs et les libraires ont pu veiller à ce qu'une immense diversité de titres soit disponible».
«Pour la rentrée littéraire française, 90% des titres sont aussi disponibles en numérique; et en BD, les prix sont inférieurs de 50% au papier», souligne Vincent Montagne, «ce qui est bien la preuve que les éditeurs savent s'adapter». Matthieu de Montchalin, président du SLF, a ainsi rappelé que la France et l'Allemagne disposent de «la plus grande concentration de librairies indépendantes, sans équivalent dans le monde». Une particularité, qui explique la communion d'expression et la communauté d'intérêt, mais qui est parfois incompréhensible dans les pays où cette position n'existe plus, ou n'a jamais existé.
Les signataires de la déclaration rappellent les piliers de cet équilibre: le prix fixe du livre, et le droit d'auteur, qui doivent être appliqués dans le numérique de la même façon que dans l'édition papier. Et ils insistent sur ce qui reste à faire: «la directive européenne sur la TVA devrait en revanche être adaptée, afin de permettre aux Etats membres d'appliquer un taux réduit aussi au livre numérique, et les distorsions de concurrence, notamment sur le plan fiscal [...] doivent être éliminées».
Sur ce point, Jacques Toubon, chargé de mission par le gouvernement français pour expliquer la nécessité d'une harmonisation fiscale, territoriale et avec le livre papier, a plaidé son sujet avec sa force de conviction habituelle. Il a aussi défendu une politique de concurrence qui ne soit «cul par-dessus tête» à propos de l'alignement de la Commission sur la justice américaine à propos du livre numérique.
Les signataires de la déclaration appellent enfin leurs gouvernements respectifs à élaborer «une stratégie de développement de la culture européenne du livre, qui soit ancrée dans le programme de travail de l'Union».