Plus d’obligation de généraliser l’application des exceptions au droit d’auteur, pas de réduction de la durée des droits patrimoniaux à 50 ans (au lieu de 70 actuellement) après la mort de l’auteur : lors de leur vote le 16 juin, les députés de la commission juridique du Parlement européen ont supprimé certaines des propositions les plus radicales du projet de rapport de Julia Reda sur l’application de la directive européenne de 2001 relative au droit d’auteur.
Mais ils en ont approuvé d’autres, qui inquiètent les représentants des ayants droit. Ils ont ainsi maintenu une nouvelle exception autorisant le prêt à distance de livres numériques par les bibliothèques, et introduit une autre disposition les autorisant à numériser leurs collections. Ils ont aussi voté une disposition concernant la fouille de données (data mining) pour des motifs de recherches universitaires, dans les bases des grands groupes d’édition scientifique et technique. Ils ont également conforté le droit de copie privée face aux verrous techniques (DRM).
Mais dans un esprit d’équilibre, les parlementaires européens ont introduit une disposition prévoyant que les éventuelles modifications de la réglementation européenne sur le droit d’auteur soient précédées d’études sur les conséquences économiques et sociales de ces décisions pour les secteurs culturels concernés. La nouvelle version du texte approuvé par la commission juridique n’est toutefois pas encore établie, ni traduite dans toutes les langues européennes, en raison des nombreux amendements ajoutés, fruits de compromis multiples.
Ce projet de rapport doit maintenant être discuté en séance plénière, programmée le 9 juillet au Parlement. Julia Reda assez habile pour ne pas se braquer sur des modifications de son texte qu’elle désapprouve. Elle arrive avec un score de 23 pour et 2 contre, des députés du Front national, démontrant son sens de la négociation. Toujours très combative, elle espère réintroduire certains articles supprimés, ce qui serait toutefois surprenant.
Formellement, ce texte n’est qu’un rapport d’initiative n’engageant en rien la Commission européenne, qui détient le véritable pouvoir et doit présenter d’ici à l’automne son propre projet de modification de la directive sur le droit d’auteur. Mais elle ne pourra l’ignorer complètement, au risque de voir son projet contesté lorsqu’il passera à son tour devant les députés. Dans le jeu d’équilibre qui caractérise la gouvernance européenne, le rapport Reda peut aussi aider la Commission à introduire des dispositions libérales contestées par les ayants droit, qu’elle évitera d’affronter en invoquant le respect du Parlement élu. Hervé Hugueny