5 septembre > Essai Allemagne

Georg Simmel- Photo DR/ALLIA

La mode exprime autre chose qu’elle-même. Elle est révélatrice de phénomènes plus profonds. Aujourd’hui, une telle constatation semble banale. Ce n’était pas le cas lorsque Georg Simmel (1858-1918) la formula en 1905 dans cette Philosophie de la mode. Pour cet inclassable penseur allemand, auteur d’une remarquable Philosophie de l’argent publiée en 1900 et traduite aux Puf en 1987, la tenue vestimentaire met aussi en évidence le tissu social.

« On peut faire défiler toute l’histoire de la société en retraçant le combat, le compromis et les conciliations - obtenues de longue lutte et aussitôt reperdues - qui virent le jour entre la fusion avec le groupe social et le détachement individuel. »

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Simmel explique la mode comme une imitation. Etre à la mode, c’est quelque part ne plus avoir à choisir. Dans ce système de vases communicants, l’élite joue un rôle essentiel en changeant de style dès qu’il devient trop commun car la mode n’est plus mode quand elle devient l’usage de tous.

Simmel ne s’intéresse pas aux contenus, mais aux contenants, c’est-à-dire aux individus. En cela, il s’agit bien autant de philosophie que de sociologie. « Si une société n’est pas structurée verticalement en classes, la mode s’y manifeste alors en s’emparant de la division horizontale. » Elle se charge de relier et de distinguer. L’utilité n’est pas sa priorité, l’abscons n’est pas sa norme, mais l’extension de son domaine fait que « nous sommes conduits à porter des choses parfaitement hideuses, comme si c’était pour la mode une manière de faire preuve de son pouvoir ». Dans ce texte clair et élégant, d’une acuité toute contemporaine, le philosophe observe la notion d’envie comme une mise en relation avec les autres. Selon lui, le rythme de renouvellement des styles correspond à la vitesse de la société. Ces transformations rapides impliquent des produits moins chers et plus nombreux. D’où cette fièvre du changement à laquelle l’économie s’est particulièrement bien adaptée.

« La mode est visée par la majorité mais pratiquée par une seule fraction du groupe. » En l’occurrence, il s’agit de la classe moyenne. C’est elle qui impose à la vie sociale sa variabilité en suivant cette mode qui s’impose par le désir qu’elle suscite et « grandit même les personnes médiocres ». En cela, la démocratie est un terrain fertile puisqu’elle oscille entre intégration et singularisation.

Pour autant, la mode reste à la périphérie de la personnalité. Elle fait certes taire la pudeur de l’individu mais préserve sa liberté intérieure en abandonnant son apparence à la collectivité. « La mode n’a point à choisir entre l’être et le non-être, car elle est les deux à la fois. » C’est cet éphémère qui la rend perpétuelle. Sa caractéristique est d’être toujours ultime. On ne parle jamais de première, mais de dernière mode…

Laurent Lemire

11.10 2013

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