Voltaire n’y croyait pas ! Et pourtant c’était vrai, du moins en partie. Madame de Pompadour, de son petit nom Jeanne Antoinette Poisson, a écrit de nombreuses lettres. D’autres, plus nombreuses encore, ne le furent pas de sa main, mais publiées sous son nom en 1772. Cécile Berly a tiré de tout cela un volume consistant avec les lettres authentiques et une sélection des apocryphes puisée dans les quatre tomes publiés à Londres, huit années après la mort de la marquise.
Si cette publication ne résout pas les problèmes d’authenticité, la présentation rend la lecture très agréable avec les missives à gauche et les commentaires à droite. La plus célèbre favorite de Louis XV s’y livre avec franchise. Les lettres apocryphes sont un peu plus sophistiquées, mais toujours très informées sur la cour. Voltaire a dû être surpris de lire celle censée lui avoir été adressée au sujet de l’affaire Calas et qu’il n’a sans doute jamais reçue…
Dans les lettres certifiées, la Pompadour donne souvent du "bonjour" à ses correspondants et ne s’embarrasse guère de circonlocutions. Pour le reste, la marquise est bien là avec son franc-parler et son savoir-faire pour jauger les gens de la cour. "Jugez s’il est possible de respirer ; plaignez-moi et ne m’accusez pas." Elle possédait plus de 4 000 ouvrages dans sa bibliothèque, dont plusieurs volumes de l’Encyclopédie, et se passionnait pour les idées nouvelles. Dans sa correspondance, on voit vivre la cour, les intrigues se monter et se démonter, les amitiés qui se tissent et les ennemis qui se liguent. Après avoir initié le roi au sexe, elle se fait initier à la politique. La Pompadour n’est pas une tiède. Elle veut être obéie quand elle a décidé. "Je travaille de toutes mes forces à diminuer ma sensibilité et j’emploie tous les moyens honnêtes pour empêcher les maux qui troublent l’intérieur du royaume", écrit-elle au futur duc de Choiseul.
Puissante quand elle n’est plus maîtresse de Louis XV, elle restera dix-neuf ans à manœuvrer à Versailles. Sans frivolité, sans caprice. Fière, lucide et amoureuse de son roi. L. L.