Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi une disposition de la loi sur la liberté de la presse qui interdisait à une personne poursuivie pour diffamation de faire la preuve des faits qu'elle allègue si ceux-ci sont antérieurs à dix ann.
Flammarion est à l'origine de cette première décision prise par le Conseil constitutionnel concernant la loi de 1881. L'éditeur avait été assigné en diffamation à la suite de la publication en mars 2010 de
25 ans de secrets d'Etat, un ouvrage cosigné par Pierre Siramy, pseudonyme de Maurice Dufresse, ancien sous-directeur de la DGSE, et par le journaliste Laurent Léger.
Maurice Dufresse évoquait notamment l'assassinat de Dulcie September, militante de l'ANC, le parti de Nelson Mandela, commis à Paris en 1988. L'un des protagonistes cités s'estimait diffamé et a assigné l'auteur et son éditeur. Mais en raison de l'ancienneté des faits, il risquait de ne pouvoir produire les preuves de ses affirmations au motif qu'elles remontaient à plus de dix ans, ce qui est contraire à l'alinéa 3 de l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881.
C'est sur cette disposition que Me Christophe Bigot et Me Renaud Le Gunehec, avocats de Flammarion et de Maurice Dufresse, ont posé à la Cour de la cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui l'a transmise au Conseil constitutionnel. Cette procédure, instaurée par la révision constitutionnelle de 2008, permet à tout justiciable de contester une loi dans la mesure où il parvient à démontrer qu'elle porte atteinte aux libertés garanties par la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a donc supprimé cet alinéa 3 dans sa décision prise ce vendredi 20 mai, car il porte
“atteinte à la liberté d'expression”. Cette décision
“est applicable à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement” et qui relèveraient de cet article. Le TGI de Paris, qui avait suspendu l'examen de l'affaire, pourra donc la reprendre en fonction du résultat de cette QPC.
En 2007, la Cour européenne des droits de l'homme avait déjà jugé cette disposition contraire à la liberté d'expression, et certains tribunaux n'en tenaient plus compte. Il demeurait toutefois une incertitude juridique. Invitée à abroger cet alinéa, la France n'avait rien fait jusqu'à maintenant.
L'ouvrage
25 ans de secrets d'Etat a aussi valu à son auteur une mise en examen pour violation du secret défense et du secret professionnel à la suite d'une plainte du ministère de la Défense, qui lui reprochait de révéler les identités de fonctionnaires du ministère. Ce dossier n'est pas encore jugé.
Maurice Dufresse avait également fait parler de lui en déclarant, au retour de Clotilde Reiss, que cette étudiante condamnée pour espionnage par l'Iran pouvait effectivement avoir travaillé pour la DGSE.
Lire la décision du Conseil constitutionnel