Il faut le talent d’un Didier Daeninckx - et une iconographie de premier ordre - pour réussir un tel pari ! Raconter la Première Guerre mondiale par les publicités de l’époque. A l’aide d’une fiction où tout est vrai, comme ce docteur Edgar Bérillon qui explique que les Allemands puent parce qu’ils « urinent par les pieds », l’écrivain montre comment ce carnage s’est aussi transformé en marché, les clients étant désormais au front.
Dans cette explication d’images, notre guide est une jeune secrétaire de l’agence Siècle Publicité, qui commente ces « réclames » au graphisme percutant tirées pour la plupart de L’Illustration. Elle rapporte aussi des anecdotes savoureuses. Ainsi l’obsession du produit français, qui conduit à une campagne de dénigrement contre le Bouillon Kub à cause d’un K trop germanique alors qu’il s’agit d’une société suisse… Didier Daeninckx s’amuse aussi en imaginant un slogan pour un tissu censé arrêter les projectiles, invention d’un dénommé Lacrotte : « Poilus, adoptez le gilet Lacrotte contre les trous de balles. »
Mais sur ces nombreux documents s’étale aussi le quotidien des soldats. On saisit leurs douleurs dans les publicités pour les masques qui protègent des gaz asphyxiants ou celles vantant les prothèses. Le romancier (Meurtres pour mémoire, La mort n’oublie personne, Cannibale, La der des ders) a toujours montré sa passion pour l’histoire en l’observant sous des angles inattendus. Cette Pub est déclarée est une manière de rappeler que pendant les tueries la boutique restait ouverte. C’est vif, malin et il s’y dit en filigrane bien plus de choses sur la guerre que dans de lourdes thèses… Laurent Lemire
