HongFei Cultures, entre Orient et Occident

Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob. - Photo Olivier Dion

HongFei Cultures, entre Orient et Occident

Fondée en 2007 par un duo qui ne venait pas de l’édition, HongFei Cultures a développé un catalogue d’albums exigeants, créant un pont entre la Chine et la France.

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Par Claude Combet
avec Créé le 25.11.2016 à 00h34

Désormais implantée sur les bords de Loire à Amboise, HongFei Cultures - "grand oiseau en vol" selon le poète chinois du XIe siècle Su Dongpo -, fondée par Chun-Liang Yeh et Loïc Jacob, fêtera ses 10 ans en 2017. En quelques années, ce petit éditeur d’albums jeunesse a réussi, discrètement mais sûrement, à se faire une place parmi les maisons reconnues. La ballade de Mulan, illustré par Clémence Polet, a remporté le prix Chen Bochui 2015 de la Foire du livre de jeunesse de Shanghai, et Chine, scènes de la vie quotidienne de Nicolas Jolivot la Pépite du documentaire 2014 au salon de Montreuil. Le duo était pourtant novice dans le métier - le Chinois Chun-Liang Yeh est architecte de formation et le Français Loïc Jacob professeur d’histoire du droit -, mais ces derniers ont su d’emblée faire un pont entre les cultures, choisir les illustrateurs parfois débutants et constituer un catalogue aussi érudit qu’exigeant. "Nous avons fait des choix éditoriaux qui ne sont pas ceux d’un éditeur expérimenté. Cela ne nous a pas toujours facilité la vie mais nous a aussi permis de défricher des terrains peu ou pas explorés", commente Chun-Liang Yeh.

Te souviens-tu de Wei ? de Gwenaëlle Abolivier, illustrations de Zaü.- Photo HONGFEI CULTURES

L’audace dans le point de vue

Née sous le signe de la Chine, en proposant au départ des textes et des contes chinois confiés à des illustrateurs français, jeunes ou reconnus, la maison a développé un catalogue dont "la moitié n’a pas de lien avec la Chine". Avec pour thèmes le voyage, la curiosité de l’inconnu, la relation à l’autre, elle a glissé "de l’interculturalité à l’altérité", soulignent ses fondateurs. "Quand on a démarré, les gens posaient la question de l’authenticité. Nous n’avons pas d’intention patrimoniale. On veut que ça frotte, que ça se transforme", revendique Loïc Jacob. "Il y a beaucoup d’attente sur la Chine, mais nous souhaitons éviter les clichés et proposer l’expression d’un pays vivant. Quand on fait appel à un auteur ou à un illustrateur chinois, il n’est pas obligé de prendre la Chine comme objet de sa création", confirme Chun-Liang Yeh. Une variété et une liberté dont ne rend pas forcément compte le nom de la maison.

Le duo réfute l’idée de "coup de cœur" mais revendique ses choix d’"explorateurs raisonnés", selon Chun-Liang Yeh. "Ils publient des livres de qualité, exigeants sur les textes", déclare la libraire du Chat pitre Laurence Tutello, qui ajoute : "Mamie Coton compte les moutons est un vrai livre jeunesse pour les enfants de 3 ans.""Ce sont des personnalités fortes, cultivées, qui font preuve d’une grande indépendance", souligne leur consœur Laurence Faron, fondatrice de Talents hauts.

Pour le duo, l’image est chose sérieuse. "L’audace ne se situe pas dans l’image mais dans le point de vue. Te souviens-tu de Wei ? de Gwenaëlle Abolivier, illustré par Zaü, sur les Chinois embarqués dans la guerre de 14-18, par exemple, montre les personnages de dos. C’est plus audacieux qu’on imagine. L’empathie emmène aussi le lecteur : on vit l’émotion de sa mère quand elle a vu son fils partir", explique Loïc Jacob. Laissant toute liberté à l’illustrateur, la construction peut être complexe comme chez Samuel Ribeyron, dont le Ce n’est pas très compliqué montre un "garçon qui pense à sa voisine Louise, qui est en train de penser à lui. Le livre implique le lecteur, l’auteur fait taire son texte, c’est l’illustration qui porte les sentiments du lecteur."

Le réel pour parler d’autre chose

"Le documentaire est arrivé plus tard que ce qu’on avait espéré, regrette Loïc Jacob, mais nous avons voulu trouver des documentaires qui portent cette part littéraire, la beauté permet de comprendre les choses." Le résultat ? Chine, scènes de la vie quotidienne, déjà cité, ou Shanghai, promenades, pour des lecteurs de tous âges.

La Chine n’est jamais loin. Elle est dans la philosophie, dans la manière de traiter le sujet. "On peut aborder la beauté par des choses simples, un caillou, un portillon. Même la poésie est terre à terre. Le goût pour le concret, l’art de l’indirect sont caractéristiques de la culture chinoise et font partie de la sagesse chinoise. On passe par le réel pour parler d’autre chose", explique Chun-Liang Yeh.

Modestement, au rythme d’une dizaine de titres par an (contre trois ou quatre à sa création), la maison privilégie "la qualité de l’édition sans augmenter le nombre de titres" afin de "valoriser au mieux ce que nous proposons", insiste Chun-Liang Yeh. "Ce sont des artistes qui ont les pieds sur terre. C’est la combinaison idéale. Ce qui est amusant, c’est qu’ils se partagent les tâches différemment selon les cas", commente Laurence Faron.

Depuis un an, HongFei Cultures vend ses titres à l’étranger, "même en Chine", comme La ronde des contes (des contes traditionnels occidentaux) illustré par Mélusine Thiry, suivi de La ballade de Mulan, et des collections "En quatre mots" et… "Contes de Chine". "L’édition chinoise pour la jeunesse a, comme son lectorat, évolué. Les conditions de vie sont différentes et les besoins sont nouveaux. Le prix Chen Bochui a attiré l’attention sur nous. On sent les éditeurs séduits par la qualité de la production française", explique Chun-Liang Yeh.

25.11 2016

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