Que l’on se rassure, le nouveau livre de Laurent Graff est aussi farfelu et séduisant que les précédents. Il ne s’agit pas vraiment là d’un roman. Plutôt d’une manière de récit littéraire. Celui-ci se déroule dans une île avec des maisons alignées les unes contre les autres. On y trouve également des bancs et moins de cent arbres. Le narrateur d’Au nom de Sa Majesté, qui au milieu du gué s’avère être l’auteur des Jours heureux (Le Dilettante, 2001, repris chez J’ai lu), prétend ne pas être lunatique, avoir des horaires de marées fixes. Il explique qu’il peut scruter indéfiniment la falaise. Qu’il se rend chaque jeudi dans un endroit où l’herbe est épaisse et tendre. En revanche, il affirme haut et fort ne pas aller sur la côte tournée vers le continent.
Monsieur a pour voisine une dame entre deux âges qui passe beaucoup de temps à s’occuper de ses volets. Dans les parages, une rumeur voudrait que l’île serve bientôt de décor à un nouveau James Bond. Lorsque le maire et deux de ses adjoints - tous trois prénommés François - viennent l’interroger sur le sujet, notre homme joue volontiers le jeu. L’occasion, autour d’une discussion alerte, de déboucher quelques bouteilles - d’abord de vin puis de champagne.
Nous apprendrons alors que nous ne nous trouvons pas n’importe où mais sur Houat, Bretagne Sud, au large de Quiberon, où le grand écrivain Henri Thomas séjourna jadis lui aussi. Chemin faisant, Laurent Graff raconte avoir été marqué par La salle de bain de Jean-Philippe Toussaint, qu’écrire "c’est en venir aux mains", ou que la dame qui loue des vélos - une certaine Séverine - lui a un peu tapé dans l’œil. Houat, il compte y rester cinq semaines dans la maison de Mme Guyot. Histoire de voir s’il serait capable de vivre là vraiment. On ne dira pas si c’est finalement le cas. Juste qu’une visite de l’île en la compagnie de Graff ne se refuse pas.
Al. F.