Après le rachat de S&S par KKR

Ian Chapman (Simon & Schuster) : « Se tourner davantage vers la littérature jeunesse »

Ian Chapman est P-DG de Simon & Schuster UK depuis l'an 2000 - Photo Johnny Ring

Ian Chapman (Simon & Schuster) : « Se tourner davantage vers la littérature jeunesse »

Le P-DG de Simon & Schuster UK, India et Australia se confie à Livres Hebdo, moins d’un an après la reprise du Groupe par le fonds d’investissements KKR et quelques jours après l’annonce d’un partenariat avec le nouveau groupe d’Arnaud Nourry.

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Par Éric Dupuy, Jacques Braunstein
Créé le 18.06.2024 à 14h56

A la tête de la filiale britannique du groupe Simon & Schuster depuis l'an 2000, Ian Chapman a commencé sa carrière à la fin des années 1980 chez McMillan, aux Etats-Unis. Ce francophile a passé une partie de ses études en France avant d'épouser une française et d'embrasser le métier d'éditeur, pour lequel il compte quelques succès internationaux, tels que récemment Colleen Hoover, David Grann ou encore l'humoriste britannique Bob Mortimer. Discret dans les médias, il se confie pour la première fois à Livres Hebdo, alors que son groupe a été racheté il y a moins d'un an par le fonds d'investissement international KKR, après une première tentative d'acquisition par Penguin Random House, retoquée par la justice américaine à la fin de l'année 2022. 

Livres Hebdo : L’ancien PDG d’Hachette Arnaud Nourry vient d’annoncer la création d’un groupe en France, Les nouveaux éditeurs, en partenariat avec Simon & Schuster. Qu’en attendez-vous de votre côté ?

Ian Chapman : Je ne connais pas personnellement Arnaud Nourry mais je l’admire beaucoup pour ce qu’il est et ce qu’il a accompli chez Hachette. C’était un très bon ami de Carolyn Reidy (PDG de Simon & Schuster de 2008 jusqu’à son décès en 2020, ndlr) et je pense que, de là où elle est, elle est ravie de ce partenariat car ils passaient beaucoup de temps ensemble, notamment quelques temps avant notre mise en vente, et réfléchissaient à une possible collaboration... Je sais qu’Arnaud a une approche très originale, profondément dynamique de l’édition et que ses qualités peuvent contribuer à nos groupes respectifs. Toutefois, c’est encore tôt pour savoir comment va s’opérer cette collaboration, mais avec le rachat du leader hollandais de l’édition VBK (annoncé en mai, ndlr), c’est une manière pour notre propriétaire KKR d’intégrer de nouveaux marchés, notamment en Europe.

Cela fait moins d’un an que vous avez été racheté par le fond KKR après plusieurs mois de bouleversements. Comment se passe ce nouveau départ pour Simon & Schuster avec un acteur étranger au monde de l’édition jusque lors ?

L’acquisition de Simon & Schuster par KKR est arrivée au bon moment, notamment pour les filiales que je dirige, au Royaume-Uni, en Inde et en Australie. Avec KKR, nous sommes dans une dynamique de croissance exceptionnelle, avec une assise financière solide qui nous permet d’investir de manière substantielle, tout en restant indépendant. Nous avons renforcé nos équipes de plus de 20% -nous sommes 168 au Royaume-Uni actuellement- et nous sommes en train de structurer le groupe avec des marques transatlantiques. A Simon & Schuster, Gallery Books et Scribner pour la littérature adulte s’ajoutent dorénavant Free Press et Summit Books. 

« KKR va nous revendre dans sept ou huit ans ? Oui, mais au moins c’est clair »

Le groupe KKR nous soutient dans notre développement et nous souhaitons nous tourner davantage vers les marchés de la littérature jeunesse et du premier âge, notamment avec la création de Gallery Kids. Nous avons renforcé l’équipe éditoriale, mais également les équipes de marketing et commerciale avec douze nouveaux postes. Nous sommes en confiance avec l’actionnaire et nous savons pourquoi il est là : assurer notre expansion pour pouvoir revendre un groupe plus grand et plus influent.

Comment vous projetez-vous avec cette idée d’être revendu à un terme qui pourrait être assez court ?

Vous savez, nous avons été mis en vente pendant deux ans et demi ! C’est très long. Comment est-ce que j’ai géré cela avec les équipes ? Je leur ai dit de se concentrer sur leur travail d’aujourd’hui qui aura un impact positif demain, car pour le reste il n’y a rien à faire. Que s’est-il passé ? Tout le talent de nos équipes s’est alors révélé car nous étions déjà dans esprit compétitif lié également à la conjoncture depuis la pandémie. Nous avons ensuite été élus éditeur de l’année en 2022 et 2023 aux British Book Awards car nos ventes ont été exceptionnelles pendant toute cette période.

« Il faut rendre chaque livre le plus rentable possible »

Alors tout le monde n’aime évidemment pas le changement et mon rôle est justement de rassurer autour de moi. Mais la dynamique est pour nous : nous ne sommes pas en train de licencier des collaborateurs, mais en train d’en engager et c’est pour cela que je disais précédemment que ce changement est arrivé au bon moment car il y a cinq ou six ans, cela n’aurait pas été la même dynamique. KKR va nous revendre dans sept ou huit ans ? Oui, mais au moins c’est clair, il n’y a pas d’ambiguïtés et tout le monde est concentré sur le développement du groupe.

En France, la surproduction éditoriale devient un sujet important, notamment avec l’annonce de la Direction d’Hachette de réduire sa production -au niveau mondial- de titres, déjà évoqué par la nouvelle Direction d’Editis... Êtes-vous également concerné par ce sujet ?

Évidemment nous savons que KKR nous a acheté à un certain niveau et veut nous revendre à un niveau plus élevé. Alors comment faire pour grandir ? Il faut publier plus évidemment, mais de manière intelligente en évitant la surproduction, qui est un vrai problème. Notre stratégie est d’acquérir les meilleurs éditeurs, que ce soit des personnes ou des entreprises, et poursuivre notre manière d’opérer depuis cinq ans, avec la même discipline et robustesse. Car ce qui importe c’est le livre, et autour du livre il y a une équipe. Il faut rendre chaque livre le plus rentable possible et c’est ce que nous nous efforçons de faire actuellement car je sais pertinemment que publier beaucoup pour publier beaucoup n’est pas une bonne stratégie.  

Quel regard portez-vous sur le rôle des agents littéraires, beaucoup plus présents dans vos marchés anglo-saxons qu’en France ?

Nous voyons les agents comme des partenaires et aimons travailler ensemble de manière collaborative pour garantir le succès de nos auteurs et de leurs livres. Nous développons de plus en plus de planning éditoriaux avec les auteurs, leurs agents et l’équipe éditoriale, une fois le livre écrit. Nous discutons et débattons alors de la mise en production, la sortie etc… Mais c’est bien l’éditeur qui garde la main sur l’éditorial. 

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