A la manière d'une Marion Montaigne dans le domaine scientifique, Mathieu Burniat s'impose comme une autre star montante de la bande dessinée documentaire en plein essor. Après notamment, chez Dargaud successivement, Le mystère du monde quantique (2016), avec le physicien Thibault Damour, et La passion de Dodin-Bouffant (2017), le dessinateur, né en 1984, s'est associé au champion de France 2015 de la mémoire, Sébastien Martinez, auteur d'Une mémoire infaillible (Premier Parallèle, 2016), pour un ouvrage sur la mémoire qui, sous la forme d'un « docu-fiction », tient autant de l'essai pour en comprendre le fonctionnement de la mémoire que du manuel pour la développer.

L'intrigue, puisqu'il y en a une, est simple : les ministres du roitelet pas très éveillé de Léthésie engagent un pittoresque expert en mémoire, Simonide de Céos, pour aider leur souverain à acquérir les connaissances qui lui permettront de ne pas déparer au bal de la Rose, à Monaco, où il est invité et où il ambitionne de séduire la princesse Angéline. Mais, outre ses traits humoristiques, elle ménage aussi le suspense puisqu'il faut attendre les dernières pages pour savoir si le roi parviendra à ses fins, et de quelle façon.

Entre temps, les deux auteurs auront développé, par le truchement de Simonide de Céos, leur point de vue optimiste sur le sujet : « la mémoire n'a aucune limite ! Tout dépend de la manière dont nous la sollicitons », « la mémoire aime créer des liens. Pour ce faire, rien de tel qu'une bonne histoire, qui en met plein la vue, le nez et les mains »... Et ils en auront déduit la méthode, qu'ils invitent leurs lecteurs à utiliser, pour stimuler leur mémoire par la connexion d'informations : choisir les éléments à associer pour assurer la mémorisation, rendre ces mots moins abstraits en les associant à des choses familières, créer la connexion entre les images pour pouvoir les convoquer aisément le moment venu.

C'est clair, c'est concret, c'est efficace. Car Mathieu Burniat, dont le trait trahit l'influence de celui de Christophe Blain (Isaac le pirate, Quai d'Orsay, Gus, chez Dargaud) s'y connaît en images. Du kangourou bourré à la bière à la penderie « infestée d'un chutney pourri » (sic), il permet au roi de se révéler moins benêt qu'il n'en a l'air, et nous incite à tenter à notre tour l'expérience.