25 septembre > philosophie France

Le temps est une notion curieuse : il est libre, il passe, il est suspendu, on l’emploie, on le remonte, on le trompe et on le tue. On peut même le perdre. Pour le philosophe Pierre Cassou-Noguès, le temps perdu est aussi celui de la pensée, une façon de résister à l’injonction de prendre les trains à l’heure, de suivre le mouvement. Dans cet éloge des heures creuses, l’inactivité devient la référence. Difficile néanmoins de prôner l’inactivité dans un pays qui compte plus de trois millions de chômeurs… La démarche de Pierre Cassou-Noguès est donc autre. Elle se situe au cœur de l’étrangeté philosophique, comme une résistance à la cadence du tic-tac qui nous est imposée. Si chacun a sa tactique du tic-tac, celle du philosophe se situe du côté du divertissement pascalien.

Pour expliquer son approche, Pierre Cassou-Noguès a choisi l’expérience de pensée qu’il illustre par de petites fictions. Il propose ainsi de relire Aurélien d’Aragon, Le dimanche de la vie de Queneau ou La nausée de Sartre. Cet essai sur l’homme qui traîne, sur le paresseux, ne pouvait oublier Paul Lafargue qui voulait limiter le travail à trois heures par jour ou monsieur Hulot qui perturbe les vacances des autres en allant à contretemps. Mais il est aussi question du temps de l’usine vu par Simone Weil, ou celui de la prison. Dans ce livre proustien, l’agrégé de mathématiques s’adonne à la flânerie métaphysique. Le temps perdu prend chez lui la couleur grise de la fumée des cigarettes, le murmure des paroles entendues dans la ville ou le calme des cimetières où tout semble plus lent. Peut-être est-ce pour cela qu’il veut redonner vie aux temps morts ? Pour lui, le temps perdu se recherche dans la littérature. En lisant, en écrivant, on perd son temps. C’est-à-dire qu’on le retrouve soudain, puisqu’on en prend vraiment conscience.

Pierre Cassou-Noguès aime les mots et il a cédé à la tentation du roman avec L’hiver des Feltram (éditions MF, 2009). Professeur à Paris-8, spécialiste des relations entre imaginaire, science et philosophie, il est un chercheur à part qui pense dans la logique du fou (Les démons de Gödel, Seuil, 2007), avec les morts-vivants (Mon zombie et moi, Seuil, 2010) ou au travers des mécanismes cérébraux (Lire le cerveau, Seuil, 2012). Dans La mélodie du tic-tac, il offre de belles pages sur la nécessité de savoir perdre son temps. Mais on ne perd pas le sien en le lisant… Laurent Lemire

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