Le dernier roman de Sophie Bassignac risque fort de figurer sur la liste des meilleures ventes. Difficile de ne pas succomber à Mer agitée à très agitée, un puzzle redoutable qui nous entraîne dans une petite station balnéaire sur la côte bretonne. On y croise une ancienne mannequin belle et impressionnante, un ex-guitar hero naïf et sentimental, leur fille adolescente, un antiquaire, un loser. Sans oublier le cadavre d’une jeune femme, avec un tatouage sur le bras gauche et dans une robe longue, retrouvée dans la crique. Soit un épatant cocktail prompt à ravir les amateurs de l’univers d’Agatha Christie, de Smoking/No smoking d’Alain Resnais ou de Tamara Drewe de Posy Simmonds.

L’humour, explique Sophie Bassignac, le jour où on la rejoint dans un café du 3e arrondissement, est un élément essentiel dans la composition de ses livres. « Le meilleur rempart contre le pathos et les bons sentiments » dont elle se méfie comme de la peste. Ce qui explique peut-être qu’elle raffole de Saki, P. G. Wodehouse, Elfriede Jelinek et Thomas Bernhard. Née à Dieppe, elle grandit à Angers au sein d’une famille qu’elle dit «compliquée». Maman est une assistance sociale très investie dans son travail, papa un voyageur impénitent doublé d’un ingénieur souvent parti en mission en Afrique.

Après un bac A classique, des études d’anglais avec une maîtrise et un diplôme de traduction, la provinciale s’installe à Paris à l’âge de 25 ans. Elle entre par hasard au Point, au service culture. Ensuite, elle se transforme quatre années durant en attachée de presse au Cherche Midi, pratiquant de son mieux un métier pour lequel elle sait «ne pas être faite du tout !». A la naissance de son fils, elle décide d’arrêter de travailler pour s’en occuper pendant que son mari, photographe de presse, vadrouille avec son matériel.

Passionnée de littérature anglo-saxonne, elle lit du matin au soir depuis l’âge de 13 ans - elle vient de dévorer l’œuvre de Raymond Chandler, correspondance incluse, Une vérité si délicate de John Le Carré ou Lionel Asbo de Martin Amis. Chez les Français, elle cite le Tonino Benacquista de Malavita, le Echenoz de Ravel qui lui a permis de comprendre plein de choses sur «la liberté de l’écriture». Ecrire justement, cela ne l’avait d’abord pas effleurée. Quand son fils adolescent lui demande de le «lâcher», elle s’attaque à un scénario. Un producteur lui conseille de le transformer un roman. Ce dont elle s’acquitte très vite.

 

«Mélancolie poétique». Dans l’édition, elle ne connaît alors plus personne. Le manuscrit des Aquariums lumineux, dont elle a corrigé toute la ponctuation au dernier moment, elle l’adresse à Belfond et Denoël. Maison qui répond en dix jours, le publie en 2008 et récidive un an plus tard avec A la recherche d’Alice. Depuis Dos à dos (2011, repris en J’ai lu), elle confie désormais ses «romans d’ambiance» à Karina Hocine chez Lattès.

Sophie Bassignac explique qu’elle a découvert son style en écrivant. Elle a besoin de tenir une scène de départ autour de laquelle articuler l’ensemble de son histoire. Chaque ouvrage lui demande un mois ou deux de rédaction. Assise devant un petit bureau situé dans sa chambre, sans musique - un «poison trop agréable pour les sens». Ensuite, une fois que le texte a reposé, elle apprécie le «côté dentelle» du peaufinage.

A chaque fois, elle refuse de connaître la fin, ayant besoin de ne pas savoir où elle va. Elle cultive une «mélancolie poétique», aime le mystère. Que ses personnages soient «un peu flous». «On parle toujours de la même chose», glisse-t-elle. Chez elle, il est donc immanquablement question de fidélité, de désir. De la difficulté à vivre dans son temps, de vieillir. Des relations entre les hommes, les femmes et les enfants.

Adepte ni de Facebook ni de Twitter, même si elle est «droguée à l’actualité», elle prétend mener une existence «très pépère» mais être capable de traverser Paris pour un ingrédient particulier quand elle cuisine. Mal à l’aise avec le milieu littéraire, elle fréquente peu les salons, reste à une certaine distance. Son prochain opus, qui se déroulera à Paris et à Londres, est déjà en gestation. Elle le laisse sagement mûrir. Parions qu’on y retrouvera le charme unique et contagieux qui irrigue tous ses livres.

Alexandre Fillon

Mer agitée à très agitée, Sophie Bassignac, JC Lattès, 18 euros, 247 pages, ISBN : 978-2-7096-4570-6. Sortie : 8 janvier.

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