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La durée d'une autorisation de droit à l'image (ou Des malheurs de la lingerie intime)

La durée d'une autorisation de droit à l'image (ou Des malheurs de la lingerie intime)

Le Tribunal de grande instance Créteil a rendu, le 15 novembre 2016, une décision rappelant les mentions nécessaires dans toute autorisation concernant une personne photographiée, que celle-ci soit un simple quidam ou une professionnelle… de l’image.

Rappelons en effet que, en matière de droit à l’image, le consentement de la personne photographiée ne peut être présumé. En clair, l’autorisation est écrite et précise ou bien elle n’existe pas aux yeux des juges.

Il ne peut être tiré aucune conclusion du fait que quelqu’un se promène dans un lieu public, qu’il sourit au photographe ou même accepte verbalement d’être photographié. Il est certain que l’autorisation de photographie ne vaut pas autorisation de reproduire la photographie...

Ajoutons que tout écrit afférent à une cession de droit à l’image doit donc être très précis. En vertu d’une sorte de principe « de spécialité », il est surtout nécessaire que les supports ou types d’exploitations (par exemple, première de couverture, PLV ou  livre numérique) soient détaillés.

Limites dans le temps

Il a ainsi déjà été jugé, par le Tribunal de grande instance de Paris, le 30 avril 1997, que « celui qui a communiqué son image pour une publication dans un livre n’a pas pour autant consenti à la voir publier indéfiniment. Il appartient à la société chargée de la mise en page de l’ouvrage de s’assurer, lors de chaque édition, qu’elle dispose des autorisations utiles à la publication des photographies ».

Il a aussi été tranché que l’autorisation pour la promotion d’un parc d’attraction ne vaut pas pour la publication de cartes postales, etc. Et la Cour de cassation a, par ailleurs, pensé qu’une prose critique sur une star ne pouvait être accompagnée d’images non autorisées explicitement. Ladite prose ne pouvait, faute d’accord écrit sur les images, être considérée comme ayant « une vocation publicitaire ».

De plus, il ne peut être déduit d’une autorisation imprécise que celle-ci est illimitée, en particulier dans le temps – nous y reviendrons dans un instant avec notre affaire de novembre 2016, jugée dans le Val-de-Marne.
Soulignons, par surcroit, que les parents sont seuls habilités à signer pour leur progéniture.

Complexités

Pour compliquer le tout, la jurisprudence admet qu’en matière de droit à l’image, il existe une sorte de droit de repentir, permettant à celui qui a donné son autorisation de revenir sur celle-ci. Les circonstances permettant l’exercice de cette prérogative sont cependant particulières.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a relevé : « est justifié l’exercice du droit de révocation dès lors que les photographies ont un caractère intime et que depuis les activités professionnelles du modèle se sont orientées vers une carrière dont elle entend exclure la complaisance manifestée naguère ». Ce domaine délicat et le sujet des regrets d’une beauté dévoilée autrefois – tous deux concepts qui intéressent la production des modernes curiosa de librairie, de E. L. Grey aux rééditions des libertins des Lumières, qu’il faut illustrer, au moins en couverture - nous amène cette fois à l’affaire jugée à Créteil fin 2016.

Mannequin

Ce litige impliquait une mannequin professionnel. Or, les mannequins et modèles exercent aujourd’hui dans un cadre législatif extrêmement précis. Le mannequin est en effet défini (selon une loi du 26 décembre 1969, complétée par une autre du 12 juillet 1990) comme « toute personne qui est chargée soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image, sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation extérieure de son image, même si cette activité n’est exercée qu’à titre exceptionnel ».

La frontière est donc parfois ténue entre le simple quidam « casté » dans un bar et le mannequin abonné aux shootings. L’un et l’autre sont pourtant susceptibles de se retrouver dans des ouvrages sur le yoga, les mouvements sociaux, la sociologie des familles françaises, etc. 

Aux termes du Code du travail, il est prévu pour le mannequin « professionnel » une rémunération en deux parties, l’une destinée à compenser la prestation consistant à poser, l’autre correspondant à la cession des droits que chacun détient sur sa propre image.

C’est pourquoi, dès lors que la prestation demandée devient substantielle, c’est-à-dire qu’elle dépasse la simple prise d’un cliché au hasard des rencontres du photographe, il convient de conclure un véritable contrat de travail avec la personne photographiée, comprenant par surcroît une cession de droits en bonne et due forme, c’est-à-dire détaillée.

Signature obligatoire

En l’occurrence, la justiciable avait consenti, en 2009, une première autorisation de son image, sur laquelle elle portait de la lingerie dite « intime », image destinée à être diffusée sur un grand nombre de supports : catalogue, site internet, couverture, jaquette, etc.
La demoiselle avait posé de nouveau, contre rémunération, en 2010 et 2011, sans pour autant signer cette fois de nouvelle autorisation. Puis elle avait, en 2014 et en toute logique, assigné la société.

Les magistrats commencent par considérer que, mannequin professionnel, son consentement pouvait être regardé comme acquis en 2010 et 2011, dans les mêmes formes que celui qu’elle avait donné très expressément en 2009. Et que la jeune femme n’avait pu se méprendre sur le caractère érotique de l’exploitation des clichés. Pourquoi pas, dit le commentateur spécialisé.

Les juges ajoutent toutefois que la fameuse autorisation initiale ne compte pas de durée précise pour la cession du droit à l’image. Ils finissent donc par interdire toutes les exploitations, en estimant que « l’autorisation ne saurait être illimitée » et que la requérante était fondée à demander, en 2014, qu’il n’y ait plus aucune exploitation.

La morale de cette historiette judiciaire de lingerie ? La voie la plus sûre consiste encore et toujours à faire signer des autorisations à condition de rédiger celles-ci avec discernement. Nul éditeur ne doit se lancer dans l’exploitation de photographies sans s’être assuré que les jeunes – ou moins jeunes - gens si enthousiastes sur l’instant ne vont pas plus tard changer d’avis, en invoquant un droit qui leur est en grande partie favorable.
 
 
 

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