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La Foire de Londres, centre névralgique des cessions de droits

Vue de la Foire de Londres 2025 - Photo Li Ying Xinhua via AFP

La Foire de Londres, centre névralgique des cessions de droits

Les trois journées de la London Book Fair (LBF) figurent parmi les plus intenses en matière de cessions de droits dans le calendrier de l'industrie du livre. Cette année, les organisateurs estiment la participation à 30 000 personnes. Malgré un contexte mondial difficile, la plupart des participants se sont montrés enthousiastes, avec une présence remarquée des Américains et des pays asiatiques.

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Par Olivia Snaije
Créé le 16.03.2025 à 13h15

L’International Rights Center, où agents et scouts étaient installés sur environ 550 tables réparties en deux zones, a été en pleine effervescence pendant toute la Foire de Londres, du 10 au 12 mars. Le froid glacial dans une partie du centre et l’effondrement d’une petite section du plafond sur une chaise vide ont à peine refroidi l’enthousiasme des participants ; a contrario pour certains agents, le prix de 1 000 euros pour une table avec deux badges a semblé élevé.

Claire Sabatié-Garat, directrice générale et associée de l'Italian Literary Agency à Milan, a vendu La grande sete (La grande soif, Garzanti) d'Erica Cassano en pré-empt à JC Lattès. La grande sete, qui a rapidement intégré le top 10 des meilleures ventes en Italie dès sa publication, fait actuellement l'objet d'une vente aux enchères pour les droits en langue espagnole. Le 25 février, le livre Perfections (Scribes) de Vincenzo Latronico, déjà publié dans 25 pays, a été sélectionné parmi 13 ouvrages sur la longlist de l’International Booker Prize pour l'édition publiée chez Fitzcarraldo Editions.

Rebecca Carter : « Les idées innovantes deviennent difficiles à vendre »

Pour l'agente littéraire Rebecca Carter, anciennement éditrice chez Random House (désormais PRH), qui représente en langue anglaise des autrices françaises telles que Faïza Guène ou, via l'agence Dieuleveult, Clémentine Goldszal, la Foire de Londres a été positive. Faïza Guène sera bientôt publiée dans un recueil de nouvelles intitulé Le Retour du Roi Jibril (l'Iconoclaste), réunissant neuf plumes. Le premier livre de Clémentine Goldszal, Premiers Cris (Seuil), sera publié par Pushkin Press en 2026 sous le titre Newborn.

Rebecca Carter
Rebecca Carter, représentante de l'agence Dieuleveult- Photo TILDA BUTTERWORTH

Rebecca Carter s'est réjouie d'avoir finalisé la cession des droits en portugais du livre de Dom Phillips, assassiné en Amazonie avec Bruno Araújo Pereira en 2022 alors qu'il travaillait sur son ouvrage How to Save the Amazon (Comment sauver l’Amazonie), à la maison brésilienne Companhia das Letras. L'agente représente plusieurs auteurs de serious non-fiction et a noté une certaine frilosité chez les éditeurs américains pour les livres destinés aux curieux : « Les idées innovantes deviennent difficiles à vendre, ils recherchent plutôt de la non-fiction empreinte d'espoir et de résistance, » a-t-elle dit.

Lors d'un rendez-vous avec Rebecca Carter, l'éditrice américaine Jessica Case, de Pegasus Books, qui a publié Good Nature (La bonne nature) par Kathy Willis, une autrice de l'agence, partageait également cet avis.

Pour Pierre Astier, agent littéraire récompensé par le prix d'excellence du LBF pour agent international en 2019, sa 18e édition de la foire de Londres a été un « très bon salon, très positif ». Il a constaté un grand intérêt pour ses auteurs de la part des scouts et a apprécié ses rencontres avec des traducteurs du français vers l'anglais, qu'il juge essentielles pour proposer les œuvres aux éditeurs anglo-saxons.

Adèle Yon et Gaëlle Bellem très repérées

Le roman Femme pour moitié (Gallimard) de l'auteur indien Perumal Murugan a suscité beaucoup d'intérêt, avec des cessions de droits en Islande, en Espagne et en Chine chez Shanghai 99 Readers Culture. Il y a eu « beaucoup de mouvement » autour de l'œuvre de Gabriela Zalapì, Ilaria ou la conquête de la désobéissance (Zoé), dont il a vendu 10 cessions de droits. L'agent s'est dit « ébloui » par la production des éditeurs indépendants anglophones, qu'il trouve « actifs et vaillants ».

« Côté français, c'est une foire positive avec beaucoup d'intérêt », a commenté Rebecca Servadio de la London Literary Scouting. Parmi les œuvres qui suscitent de l'intérêt figurent le premier roman d'Adèle Yon, Mon vrai nom est Elisabeth (éditions du sous-sol), ainsi que Un monstre est là, derrière la porte de Gaëlle Bélem (Gallimard) présent sur la longlist de l’International Man Booker, dont l'édition anglaise est publiée chez Bullaun Press.

Julian Nossa BAM
Julian Nossa, agent chez Books and More- Photo OLIVIA SNAIJE

Rebecca Servadio a également mis en avant The Book of Disappearance (Le livre de la disparition) d'Ibtisam Azem (And Other Stories). Le roman historique Aan het einde van de oorlog (À la fin de la guerre) de Bert Natter (Thomas Rap/De Bezige) s'est rapidement vendu en Allemagne à Berlin Verlage, et à Summit/Simon & Schuster pour un montant à six chiffres, élevé pour les droits mondiaux en anglais, ainsi qu'en pré-empt au Danemark chez Gutkind. Le sixième roman de l'auteur anglo-hongrois David Szalay, Flesh (Chaire), a été acquis par Francis Geffard chez Albin Michel, tandis que le roman de la Roumaine Daniela Ratiu, Un train jusqu'au bout du monde (Cartier), a été acheté par Grasset.

Frémissement pour la romance française

Julián Nossa, agent chez Books and More (BAM), représentant 20 maisons d'édition francophones, a participé pour la première fois à une foire avec un catalogue distinct pour les auteurs, une initiative qui prend de l'ampleur, dit-il. BAM représente plusieurs maisons d'édition québécoises, dont Alto, qui a publié Ce que je sais de toi d'Éric Chacour, un ouvrage qui continue de susciter de l'intérêt et pour lequel une offre est en cours pour l'Amérique latine.

Julián Nossa souligne un fort intérêt en Europe et en Asie pour la non-fiction sérieuse, tandis que la fiction littéraire attire davantage les éditeurs américains. BAM gère les cessions de droits à l'étranger pour Hugo&Cie, et l'agent note que la romance française « commence à marcher », bien que les éditeurs étrangers recherchent principalement de la fiction littéraire.

Benita Edzard, directrice des droits chez Robert Laffont, et Costanza Corri, responsable, étaient présentes avec leur nouveau directeur, Frédéric Martin. À leur arrivée à Londres, elles ont finalisé les enchères pour La tyrannie du cerveau de Jean-Jacques Hublin en Italie, un ouvrage qui approche des 10 000 ventes en France et suscite un intérêt croissant dans d'autres pays. En non-fiction, elles ont déjà reçu de forts intérêts pour le nouveau livre de Pascal Boyer, prévu pour 2026. Côté fiction, Villa Gloria de Serena Giuliano était très attendu.

Au sortir des échanges, et même si certains agents étrangers sont repartis dès le mercredi soir, estimant qu'un jour supplémentaire dans un Londres hors de prix n'en valait pas la peine, le consensus général est que la Foire de Londres a été très positive.

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