"Trop de bruit !" s'exclament les nombreux Français croisés le 5 avril à l'Olympia de Londres. Les allées de ce centre de conférences situé dans le quartier de Kensington sont bondées depuis l'ouverture de la Foire du livre, la première à se tenir en présentiel depuis 2019. "On dirait qu'il n'y a plus de Covid", glisse amusée, entre deux rendez-vous, Juliette Ponce, fondatrice des éditions Dalva. Comme elle, entre 150 et 200 professionnels français se sont déplacés du 5 au 7 avril à ce rendez-vous incontournable pour les échanges de droits. Rares sont les personnes qui portent un masque et nombreux sont les regroupements devant les espaces de restauration ou au Centre international des droits.
"C'est normal que les participants de la Foire se sentent un peu à l'étroit cette année, souligne le nouveau directeur de l'événement, Andy Ventris. Des travaux sont en cours dans le bâtiment et nous avons délibérement réduit l'espace : nous dénombrons moins de 100 exposants, soit 15% de moins qu'en 2019, année où l'on organisa pour la dernière fois une foire physique". Cette agitation anime les discussions et enchante aussi les agents dont l'espace se situe désormais dans le hall principal et non plus à l'extérieur, ce qui explique aussi la forte densité.
Annulations de dernière minute
Dans le stand français tenu par le Bureau international de l'édition française (Bief), 70 maisons d'édition sont représentées. "Le niveau de rendez-vous est bon malgré les annulations de dernière minute, fait savoir le directeur du Bief, Nicolas Roche. Si les acteurs américains, asiatiques et latinoaméricains du monde du livre avaient déjà annoncé leur non participation à la Foire pour des raisons sanitaires, de nombreux Européens ont aussi dû rester chez eux alors qu'ils avaient initialement prévu de se déplacer, toujours contraints par le virus.
Mais les Français, eux, comme à la précédente foire de Francfort, ont maintenu leurs rendez-vous. Ainsi la présidente de Libella, Vera Michalski, le patron de Stock, Manuel Carcassonne, le directeur adjoint du Seuil, Adrien Bosc, la présidente de JC Lattès, Véronique Cardi, la directrice associée de Leduc, Karine Bailly de Robien, le fondateur des éditions Philippe Rey, Philippe Rey, ou la directrice de Robert Laffont, Sophie Charnavel, ont participé à la manifestation. C'était, en outre, la première Foire de Londres pour Charlotte Lefèvre en tant que directrice littéraire de Calmann-Lévy, pour Lily Salter en tant que responsable des droits de JC Lattès aux côtés d'Eva Bredin, pour la scout Zéline Guéna en tant que nouvelle référente pour la France du prestigieux éditeur allemand Suhrkamp ou pour Sophie Langlais en tant qu'agente chez Books And More (BAM).
Back to business
Au cœur des discussions, les cessions. A la veille de la Foire, la maison d'édition allemande FVA annonçait la cession des droits du dernier livre de l'autrice géorgienne Nino Haratischwili à Gallimard. L'éditeur français s'ajoutait ainsi à la douzaine de cessions déjà conclues pour cet ouvrage, Lack of light. Un autre géorgien, Leo Vardiashvili a suscité des enchères dans plusieurs pays avec son premier roman, Hard by a Great Forest, préempté par Riverhead aux Etats-Unis. De l'avis général, la production étrangère a proposé un grand nombre de dystopies au regard de l'incertitude provoquée par les conflits géopolitiques mondiaux. Dans les couloirs de la Foire, l'agente Sandra Pareja multipliait ses rendez-vous acompagnée de son autrice Julia Malye. "Nous comptons une quinzaine de cessions pour La Louisiane", roman qui sera publié en 2023 chez Stock. Mais l'agente déplore l'immobilité des pays de l'Est. "La guerre en Ukraine a marqué un arrêt net des cessions en Europe de l'Est", indiquait-elle.
Conflit en Ukraine, pénurie du papier...
Un avis partagé par la plupart des responsables de droits français(es) présent(e)s à la Foire. Toujours côté français, les éditeurs ont également commenté le coup d'arrêt des ventes en librairie depuis le début du conflit ukrainien, fin février. Et d'autres sujets, liés cette fois au Covid, ont occupé bon nombre des discussions. Sur place depuis le 4 avril, les scouts Pauline Buisson et Valentine Spinelli ont été marquées par l'inquiétude de leurs client(e)s étrangers "à propos de la pénurie du papier, de plus plus en plus rude, et des difficultés de transport". Chez First, la directrice littéraire Marie-Anne Jost-Kotik confirme: "la hausse des prix des matières premières provoque des situations ubuesques où les devis ne sont valables que quelques jours". Elle note, dans ce sens, une baisse conséquente des co-éditions. Et l'inflation laisse craindre des mois compliqués pour le marché de l'édition.