Le rez-de-chaussée de la librairie Albertine, à New York. - Photo Fanny Guyomard
La librairie Albertine étend sa marque aux Etats-Unis
Partie intégrante du Service culturel de l’ambassade de France à New York, la librairie Albertine est chargée de promouvoir le livre francophone dans la grosse pomme. Et depuis peu, étend son influence auprès des clients américians de tout le pays.
Par
Fanny Guyomard New-York, Créé le
24.03.2022
à 20h27, Mis à jour le 03.04.2022 à 17h32
Une librairie sans vitrine. Le hall, tout de marbre, baigne dans une musique classieuse émanant d’un salon vénitien aux dorures rococo, fermé par un cordon à la château de Versailles. Il faut encore faire quelques pas pour entrer dans la boutique acajou, aux bibliothèques surmontées des bustes de Molière ou de Voltaire, réalisés par les ateliers du musée du Louvre.
Ici, le client n’est pas accueilli par l’habituel “How are you ?”, et le vendeur parle français. Une bulle en territoire américain, en face de Central Park, dans l’hôtel particulier qui abrite également le Service culturel de l’Ambassade de France, qui chapeaute cette librairie un peu spéciale, sa vitrine sans vitrine qui porte le nom d’un personnage du monument français A la Recherche du temps perdu. Mais Albertine se met à la sauce locale, en proposant des tote bags à l’hyperbole très américaine : “The best bookshop in France is in NYC”. La meilleure librairie en France se trouve à New York.
Service de l’ambassade de France
Inaugurée en 2014 par Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Albertine profite d’un statut diplomatique qui lui permet de ne payer ni taxe ni loyer, le point noir qui avait fait couler la Librairie française en 2009. Les livres restent légèrement plus chers qu’en France, en raison du prix du transport.
Et le lieu a ses défauts, comme l’interdiction, on l’a dit, de disposer d’une vitrine et d’une enseigne sur cette portion de la cinquième avenue baptisée le “Museum Mile”. La librairie se manifeste donc par un discret kakémono, si ce n’est grâce au bouche-à-oreille.
Tourisme
“Nous sommes devenus un lieu touristique, certaines personnes ne viennent que pour s’y photographier”, glisse Sandrine Butteau, la directrice de la librairie depuis 2017 que l’on suit à l’étage, dans une pièce tapisée de livres jeunesse et auréolée d’un plafond fait de bleu et d’étoiles. Albertine compte au total entre 18 000 et 20 000 ouvrages en stock et environ 10 000 références, provenant de trente pays francophones, aime-t-elle souligner. Sans compter les objets de papeterie ou de décoration comme les bougies de luxe signées Astier de Villatte.
Le merchandising représente moins de 10% de son chiffre d’affaires. Et il n’est pas question de proposer du café et des gourmandises comme dans de nombreuses librairies new-yorkaises, qui y trouvent un moyen de faire du chiffre. “Le but n’est pas de faire du profit, mais de promouvoir le livre français et francophone”, rappelle l’ancienne secrétaire générale des Services culturels de l’ambassade. C’est le deal passé avec l’administration américaine.
Fiction adulte et jeunesse
A l’entrée, un présentoir est dédié à Leïla Slimani, non loins d’essais liés à l’actualité de la campagne présidentielle et du Goncourt 2020, L’Anomalie, d’Hervé Le Tellier, sorti aux Etats-Unis en novembre, et qui a eu droit à sa critique dans le prescripteur New York Times. Touche française : la table “prix littéraires”.
La littérature française occupe la majeure partie des rayonnages. Les nouveautés et les classiques fonctionnent aussi bien, comme le rayon jeunesse. Peu d’auteurs québécois : “La communauté canadienne s’approvisionne assez facilement à Montréal”, à “seulement” six heures de route et une heure d’avion, avance la patronne de 50 ans.
La clientèle est “à 60% française, à 40% américaine”. Et les Américains de divisent en deux profils : “Les francophiles et francophones, qui achètent de la littérature en français ; et les francophiles non francophones”, détaille-t-elle.
Une salle très "diplomatique", dans laquelle la librairie organise ses événements - Photo FANNY GUYOMARD
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De plus en plus d'Américains
Pour eux, Albertine propose des livres traduits d’auteurs français, dans la continuité de la mission du Bureau du Livre du Service culturel de l’ambassade : promouvoir le livre français auprès des éditeurs américains. Sur la table centrale de la librairie, s'amoncellent Bel-Ami et The Count of Monte Cristo, édité par Penguin Classics, ou Memoirs of a Dutiful Daughters chez Harper Perennial Modern Classics.
Une offre amenée à s’élargir, prévoit Sandrine Butteau : “Ces livres traduits en anglais occupent une place de plus en plus importante dans la librairie car nous avons de plus en plus de clients américains.”
Ce sont également eux qui constituent la grande majorité des participants aux rencontres, payantes, organisées par la librairie, qui compte deux-cents membres. La formule à 75$ par an ouvre les portes du Book Club et aux diverses rencontres d’auteurs, organisées essentiellement à l’occasion de la publication d’un livre francophone en anglais.
Pour 55$ par an, vous avez droit à 10% de réduction à chaque achat et de voter au prix Albertine, où les jurés choisissent leur fiction française - traduite en anglais - préférée. Pour organiser la cérémonie, rétribuer l’auteur lauréat et son traducteur, la librairie fait appel à des mécènes, ces philanthropes qui l’ont financée à grande majorité au départ et permis son ouverture.
Comptoirs et bons côtés du Covid
Elle essaime depuis dans tous les Etats-Unis, en fournissant des librairies situées à Washington, Boston, Seattle et depuis un an dans la librairie new-yorkaise McNally Jackson. “Nous facilitons leur approvisionnement, c’est plus simple pour elles de passer par nous”, indique leur relais.
Pas de concurrence avec Amazon, dont les livres français ne sont pas à un prix plus avantageux. Ni, estime la diplomate, avec la Librairie des enfants, quelques blocs plus loin, qui propose des livres en français. "Il y a de la place pour deux."
Quand à la crise sanitaire, elle lui a été bénéfique, en lui ayant permis de développer la vente en ligne. Albertine a ainsi gagné des clients au-delà de la mégalopole, ses ventes par correspondance facilement “multipliées par dix par rapport à 2019, sachant que nous partions d’un chiffre quasiment nul”. La libraire, qui se veut lieu de vie, a néanmoins ôté ses canapés et fauteuils où les clients étaient invités à feuilleter les ouvrages. Surplombés par Molière et Voltaire.
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Par
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