A l’été 2009, Hubert Lucot reprend le chemin d’une maison, non loin de l’océan, dont la serrure rouille en hiver. Il y laisse remonter le temps, venir à lui les souvenirs et les émotions. Le voici qui évoque à nouveau la figure de la femme aimée, Anne-Marie. A.M., Tunisienne-Marseillaise rencontrée à l’âge de 20 ans, près de Grenoble, à qui il déclarait alors, dans un pré alpin : « Je crois que je vous aime. »
Depuis leur mariage en août 1958, à la mairie du 16e arrondissement de Paris, ils forment le tandem A.M.-H.L. Soit « deux époux amants goûtant l’existence terrestre ». Je vais, je vis tient du journal, du récit. Son auteur peint, se promène à bicyclette quand il se trouve près de Soulac ; en autobus lorsqu’il est à Paris. Il observe le monde et les êtres qui l’entourent. Se souvient d’étreintes érotiques torrides d’antan. De Jean-Edern Hallier, rencontré quelques années après l’hypokhâgne. D’un déjeuner d’anniversaire au bord du lac d’Enghien.
A.M. a des soucis au pancréas et au foie. H.L., lui, doit se faire opérer de la cataracte aux Quinze-Vingts. L’écrivain note ses rêves, s’interroge sur sa propre aventure littéraire « noueuse et coupée des salons », rappelle le temps où il souffrait de « la maladie alcoolique » et de « la pratique des comptoirs ». Le lecteur l’accompagne pas à pas. Lorsqu’il déambule dans la capitale, goûte d’une tartelette de cerises confiturées dans le self-service souterrain proche du Centre Pompidou. Lorsqu’il visite un ami, l’écrivain Bernard Waller, au seuil de son existence. Et qu’il prononce ensuite son éloge funèbre, le jour de son enterrement, au cimetière du Montparnasse.
Il le suit également auprès d’A.M., rattrapée par un vilain cancer qui l’entraîne trop souvent à l’hôpital ou dans des laboratoires d’analyses… Hubert Lucot, dont P.O.L reprend conjointement en poche Autobiogre d’A.M. 75 (Hachette-P.O.L, 1980), signe un livre total et fascinant. Un chant de vie, d’amour et de mort que l’on écoute avec la plus grande émotion. AL. F.