Juif d’origine russe, Emmanuel Radnitsky voit le jour le 27 août 1890 à Philadelphie. Le sujet de la nouvelle biographie de Serge Sanchez, on le connaît mieux sous son nom d’artiste, Man Ray. L’écrivain et journaliste, qui a publié La lampe de Proust et autres objets de la littérature chez Payot à la rentrée dernière, remonte le fil du temps.
Le jeune Manny dessine très tôt. A New York, il se régale des aventures de Nick Carter et des récits de la conquête de l’Ouest. Vite, il se passionne pour l’histoire de l’art et pour la peinture. Touche-à-tout, il commence à peindre avec frénésie et à s’intéresser à l’architecture. En 1908, il voit danser Isadora Duncan et reçoit le premier prix d’anglais. Trois ans plus tard, il réalise une tapisserie composée de cent dix échantillons de tissus et la signe "Man Ray".
L’artiste suit le mouvement cubiste. Il se lie d’amitié et joue aux échecs avec Marcel Duchamp qui comme lui aime "imiter pour détruire", fréquente Picabia, Arthur Cravan, les membres de l’avant-garde américaine et du mouvement dada. Man Ray, rappelle Serge Sanchez, "misait tout sur le jaillissement, la révélation impromptue". Il crée en se servant d’objets courants, s’amuse avec son appareil photo à saisir une pince à linge ou une tasse. Il immortalise Duchamp de dos, le crâne tonsuré en forme d’étoile.
En 1921, il gagne la France, Le Havre puis Paris. Croise Satie, Brancusi, Aragon, Breton à Montparnasse où il dîne avec l’exubérante Kiki. Il gagne sa vie grâce à ses photos. A la librairie d’Adrienne Monnier, rue de l’Odéon, il écoute la lecture d’extraits d’Ulysse en présence de Joyce. La vie de Man Ray est un tourbillon, un feu d’artifice. Sanchez le montre cinéaste, acteur. Epris de l’irrésistible Lee Miller, espiègle et libre. A Hollywood. Puis de nouveau installé à Paris, dans son atelier de la rue Férou.
Conteur précis, documenté et alerte, le biographe rouvre toute les portes empruntées par un Man Ray qui s’en est allé en 1976 en laissant une marque aussi indélébile que singulière.
Al. F.
