Par ses personnages interposés, écartelés dans l'univers entre une échelle de corde et une comète en mouvement, Francis Masse prévient d'emblée ses lecteurs : "Si vous voulez du mou sur l'élastique, faut demander. A moins que ce ne soit ma masse qui vous embarrasse ?" Philosophe et épistémologue, expert en réthorique, spécialiste des raisonnements par l'absurde pour chercher à rapprocher les concepts scientifiques les plus pointus du sens commun, Masse est de retour en pleine forme, et il n'entend pas nous lâcher.

Déjà en 2007, la réédition de ses nouvelles dans le recueil L'art attentat (Seuil, voir LH 681, du 16.3.2007, p. 44) et d'On m'appelle l'avalanche (L'Association) avait tiré de l'oubli l'oeuvre unique et précurseure de l'auteur qui n'avait plus commis d'album depuis La mare aux pirates (Casterman) vingt ans plus tôt. Avec (Vue d'artiste), au titre aussi explicite que son propos est sophistiqué, il reprend le fil comme s'il ne s'était jamais interrompu. Casquette et chapeau melon, André d'Andromède et son compère "shérif de la voie lactée", dont le parcours et les controverses composent la trame de cette parabole cosmologique, cheminent d'ailleurs explicitement sur les traces des Deux du balcon (Casterman 1985). Leur trajectoire déroutante constitue à la fois une aventure intellectuelle et un feu d'artifice visuel, dans lequel Masse ménage de nombreux clins d'oeil à l'histoire de l'art.