On sait depuis Pierre Desproges que si l’éternité est longue, c’est surtout vers la fin. C’est parfois à la veille de s’effondrer que les empires paraissent les plus superbes et intangibles. Ainsi, en ce temps-là, vers la fin des années 1960, en allait-il du Pays basque, de sa société, de son peuple. L’Eglise et la famille veillaient de concert à ce que la terre n’y soit pas profanée, à ce que les villes n’offrent aucun ferment de sédition, à ce que le passé, ne passant jamais, reste le glorieux présent et la ligne d’horizon de tous. Et ce de toute et pour toute éternité. Et puis, un dictateur trop vieux, le voisinage avec la France des Trente glorieuses et le renouveau nationaliste exprimé en un slogan "Euskadi ta Askatasuna" (sigle : ETA) ont brutalement fait basculer le destin de ce vieux pays qui ne s’assumait plus comme tel.
C’est à cette époque, un jour du début de l’année 1968, qu’un enfant de 8 ans, venu des campagnes de Navarre, arriva à Saint-Sébastien. Sans père et alors que sa mère ne pouvait plus faire face aux charges de son éducation, il est recueilli par sa tante Maripuy, une forte femme, son oncle Vicente qui se partage à parts égales entre l’usine et le bistrot, une cousine qui aime trop les garçons et, enfin, son cousin et aîné Julen, qui passera assez naturellement de l’influence de monsieur le curé à celle du nationalisme révolutionnaire et terroriste. Quelques décennies plus tard et alors que tout est consommé, cet enfant confiera sa vie, son destin, à un écrivain nommé Aramburu.
Fernando Aramburu a été découvert en France avec la publication d’un recueil de nouvelles, Le salon des incurables (Buchet-Chastel, 2009). Années lentes, édité cette fois-ci aux bons soins des éditions Lattès, révèle quel romancier, ample, majestueux, douloureux, il est aussi. Chaînon manquant de la littérature basque (il est né en 1959) entre la génération des Bernardo Atxaga et celle des Kirmen Uribe, Aramburu, comme ses aînés et ses cadets, considère l’Histoire, celle des siens, comme le carburant essentiel de la création romanesque. Ses héros, en quête ou en deuil d’une cause, sont des hommes et des femmes bien plus que des personnages. Olivier Mony