On a beau dire : si l’on s’en tient aux données brutes, l’évolution de la production de livres, en nombre de titres, est restée modeste au cours des quatre dernières années : + 0,1 % en 2009, - 1 % en 2010, + 2,1 % en 2011, + 1,7 % en 2012 d’après nos données Livres Hebdo/Electre. L’an dernier, le nombre de nouveautés et de nouvelles éditions a franchi la barre des 65 000, avec 65 412 nouveaux titres (voir p. 15-16), mais c’est seulement 1 800 de plus qu’en 2008 (+ 2,8 %). Dans un grand nombre de maisons installées et parmi les principaux groupes, des efforts importants de maîtrise de la production ont été consentis même s’ils ne conduisent pas systématiquement à des réductions puisque la stabilisation ou la compression du nombre de nouveautés sur certains segments est parfois contrebalancée par l’ouverture de nouvelles lignes éditoriales, avec l’offre afférente (voir p. 18-20). En revanche, sur la longue durée, la hausse se révèle considérable. La production annuelle a presque doublé (+ 86,5 %) depuis 1997, où elle ne se situait qu’à 35 077 nouveautés et nouvelles éditions. Elle a même fait des bonds spectaculaires en 2001 (+ 13,2 %) et en 2004 (+ 18,3 %), dans une période il est vrai plutôt encourageante pour les ventes. Cette hausse accompagne un élargissement continu du tissu éditorial. 4 534 éditeurs ont publié au moins un titre l’an dernier (+ 1,7 %), quand ils n’étaient que 2 622 quinze ans plus tôt (+ 72,9 %).
Déconnection.
Sur la même période, le marché du livre a connu une croissance plus de quatre fois inférieure (+ 21 % sur quinze ans, selon nos données Livres Hebdo/I+C) à celle de la production (1). Depuis 1998, le volume d’activité en euros courants s’est même contracté de 1,5 %. Certains segments et secteurs éditoriaux, telle la référence, se sont effondrés. Mais plusieurs facteurs concourent à une relative déconnection de l’évolution de la production et de celle des ventes. Le développement des nouvelles technologies dans les métiers de l’édition et de l’imprimerie a permis d’abaisser le point mort et de multiplier les petits tirages, également facilités par les techniques d’impression à la demande. L’irruption d’Internet et, concomitamment, celle de la vente en ligne ont démultiplié les possibilités de promotion et de diffusion dans des "communautés" et des réseaux ciblés. Tout juste l’émergence du livre numérique peut-elle laisser présager, à terme, un ralentissement de la production d’ouvrages imprimés, compensé par une explosion de la commercialisation de titres numériques, dont une part croissante exclusivement numérique. Déjà, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où le marché du livre numérique est solidement installé, l’autoédition numérique connaît un essor sans précédent.
Reste le goulot d’étranglement de la librairie, qui, tout en subissant la pression des éditeurs pour présenter, conformément à des principes confortés par la loi Lang, l’essentiel de leurs nouveautés, ne peut étendre ses surfaces de vente en proportion de l’essor de la production. Au quatrième trimestre 2012, le taux de retour moyen a atteint un niveau record de 29 % (2). Dans les hypermarchés, il se hisse même à 38 %, cinq points de plus à un an d’intervalle. Il n’en faut pas plus pour que des libraires, rebondissant sur l’évolution de certains diffuseurs comme UD qui proposent des formules commerciales spécifiques pour le fonds, appellent à réfléchir à de nouveaux modèles économiques et commerciaux (voir encadré ci-dessous). La question pourrait être débattue aux prochaines Rencontres nationales de la librairie, les 2 et 3 juin à Bordeaux.
(1) Pour le bilan du marché en 2012, voir LH 939, du 1.2.2013, p. 14-16.
(2) LH 941, du 15.2.2013, p. 38.
La production par secteurs en 2012 : 1,7 % de nouveautés en plus
65 412 titres publiés
La production de nouveautés et de nouvelles éditions a peu augmenté en France, de 1,7 % en 2012 contre 2,1 % en 2011 d’après nos données Livres Hebdo/Electre. 65 412 nouveaux titres sont parus l’an dernier, soit quelque 1 800 de plus que quatre ans auparavant. En 2012, le nombre de nouveaux titres a crû fortement en parapsychologie et en occultisme (+ 18 %), économie, enseignement, techniques, artisanat d’art et activités créatrices (+ 11 %), poésie (+ 11 %), histoire ou encore humour (+ 50 %). Mais il a chuté en philosophie (- 9 %), religions (- 8 %), politique, éducation et pédagogie (- 16 %), langues étrangères (- 11 %), arts décoratifs (- 17 %), architecture (- 10 %), jeux et divertissements (- 12 %).
Sciences sociales : relance de l’économie
Si la conjoncture économique est morose, le livre d’économie (sauf économie financière), lui, voit sa production se développer, tout comme le livre de sociologie et, dans une moindre mesure, le livre de droit. Au total, cependant, le nombre de nouveaux titres de sciences sociales stagne en 2012 à 8 811 (- 0,7 %). Car de fortes baisses touchent la production d’ouvrages politiques, de science militaire, en problèmes sociaux et sécurité publique, pédagogie et folklore. (Rubrique "Sciences sociales" diminuée des sous-rubriques rassemblant les manuels d’enseignement.)
Sciences appliquées : vive la technique !
A + 2 %, la production dans le champ des techniques et sciences appliquées, dont les segments du pratique, évolue comme l’ensemble de la production de livres. Le nombre de nouveautés croît plus dans la plupart des domaines techniques (techniques industrielles, technologie des communications, génie civil, technologie des transports…). Il augmente toujours en médecine (+ 11 %) et dans une moindre mesure en cuisine. Il se tasse en revanche en psychopathologie, en agronomie, en puériculture ou en bâtiment. (Rubrique "Techniques-Sciences appliquées".)
Arts : l’artisanat d’art plutôt que les arts majeurs
Le nombre de nouveaux titres continue d’augmenter sur les segments de l’artisanat d’art (+ 11 %) et de l’audiovisuel (+ 7 %), et l’urbanisme se stabilise. Mais, au total, la production de livres d’art recule de 2,4 %. Les baisses touchent particulièrement l’architecture (- 10 %), les arts plastiques (- 5 %), les arts du métal et de la céramique (- 6 %), les arts décoratifs (- 17 %) et la photographie (- 5 %), et plus modestement la peinture et la musique. (Rubrique "Arts-Sports", diminuée des sous-rubriques "Jeux", "Sports", "BD" et "Mangas" (ces deux dernières étant incluses jusqu’à la mi-2010 dans la catégorie "Littérature").)
Romans : une lente décélération
Commencée un an plus tôt, la décélération de la production littéraire s’est poursuivie en 2012, où le nombre de nouveaux romans s’est tassé de 1,6 %, à 8 704 nouveautés et nouvelles éditions. La modération éditoriale touche toutes les catégories de - 2 % en littérature française, - 1 % en littérature étrangère, et - 4 % en littérature fantastique et de science-fiction, tandis que le polar reste stable (0 %). (Rubriques "Romans et nouvelles français", "Romans fantastiques et de science-fiction", "Romans policiers", "Romans et nouvelles étrangers".)
Jeunesse : le documentaire marque le pas
Le segment du documentaire, à - 5 %, est le seul à voir sa production reculer au sein d’un secteur de l’édition pour la jeunesse dont le nombre de nouveaux titres approche des 10 000 par an, à 9 948 nouveautés et nouvelles éditions (+ 4,1 %). La catégorie de l’éveil fait un bond de 8 %. Les activités et jeux, comme la fiction, enregistrent une hausse de 6 % du nombre de titres à un an d’intervalle. (Rubriques "Littérature de jeunesse (activités et jeux, éveil, fiction, documentaires)".)
La production par éditeurs en 2012 : 4 534 maisons ont publié au moins 1 titre en 2012
Par le jeu des concentrations, la part des 10 groupes les plus productifs grimpe à 37 %. Mais ces derniers ont plutôt réduit leur production. La hausse du nombre total de nouveaux titres relève d’abord des éditeurs de taille moyenne et de 74 nouveaux.
En 2012, 74 éditeurs supplémentaires ont publié au moins un titre. Au total, d’après nos données Livres Hebdo/ Electre, ils sont 4 534 (+ 1,7 % par rapport à 2011) à avoir produit les 65 412 nouveautés et nouvelles éditions (+ 1,7 %) répertoriées l’année dernière. Il s’agit d’un nouveau record après celui de 2011 (4460, + 2,8 %). Cet essor de la population éditoriale joue son rôle, avec les diversifications de plusieurs maisons de taille intermédiaire, dans la hausse de la production globale, restée toutefois relativement modeste en 2012.
Concentrations.
Les groupes les plus productifs ont, eux, plutôt modéré le nombre de leurs nouveautés. Celui-ci se resserre même chez Hachette Livre (- 0,6 %), Editis (- 1,4 %), Gallimard-Flammarion (- 1,6 %), La Martinière (- 3,2 %) et Albin Michel (- 5,4 %). Cela n’empêche pas le "club" des 10 éditeurs les plus productifs de voir son poids dans la production totale grimper de 36,2 % en 2010 et 2011 à 37 % l’an dernier. Mais ce phénomène s’explique essentiellement par le jeu des concentrations. Tandis que Gallimard et Flammarion sont désormais rapprochés depuis que Madrigall, la holding de contrôle du premier, a repris le second en septembre, Média-Participations, qui a obtenu l’exploitation en France du catalogue de DC Comics et lancé Urban Comics, affiche du coup une hausse de production de 4,3 %. Dans le même temps, le groupe Delcourt, qui avait rejoint le club il y a un an, après le rachat de Soleil en juin 2011, a augmenté le nombre de ses nouveaux titres de 8,2 % en 2012. Notons qu’en 2013, l’acquisition de Payot & Rivages au 1er janvier devrait propulser Actes Sud de la 10e à la 7e place des dix groupes les plus productifs.
Sur l’ensemble des éditeurs ayant publié au moins un titre dans l’année, le nombre moyen de titres par éditeur reste fixé à 14,4. La production médiane est légèrement inférieure à 4 titres, c’est-à-dire que la moitié des éditeurs de 2012 n’ont publié cette année-là que 3 titres ou moins.