En France, la diffusion de la télévision s'est accompagnée d'un discours hostile de la part des tenants du livre. Elle venait concurrencer la place dominante que l'écrit avait acquise au fil des siècles. Mépris, défiance, mise au ban ont donc été longtemps les réactions des élites culturelles à l'égard de ce concurrent. Cette façon de pensée insiste sur le clivage et a empêché d'envisager une continuité entre les deux. Au congrès mondial des bibliothécaires (IFLA) à Helsinki ce mois-ci, une chercheuse du pays hôte a cherché à répondre à la question des raisons susceptibles d'expliquer le bon classement de la Finlande dans les enquêtes PISA. Une multitude de facteurs a été mentionnée. Ainsi l'attachement des Finlandais à leur identité culturelle (et nationale) passe par leur langue et soutient ainsi la pratique de la lecture. La chercheuse a également insisté sur l'accent mis par la collectivité sur l'enseignement primaire et la forte qualification des instituteurs qui s'accompagne d'une grande reconnaissance et d'une confiance collective à leur égard. Au même rang que ces autres facteurs, Pirjo Sinko a également pointé le fait que les programmes de télévision ne sont pas doublés quand ils ne sont pas en finnois. Le seul moyen d'accéder au sens des dialogues est donc de lire les sous-titrages. Ainsi, dès leur plus jeune âge les enfants n'opposent pas la télévision à la lecture. La pratique de l'une implique celle de l'autre. C'est très certainement un soutien puissant à l'acquisition d'une compétence technique et d'une fluidité dans la lecture. La lecture est une pratique et elle a besoin d'être mise en œuvre pour devenir une évidence et une source de plaisir. On se souvient de la formule de Jean-Claude Passeron « il n'y a pas de mauvais livres, il n'y a jamais de mauvaises lectures », les Finlandais l'ont poussé jusqu'à la mettre en œuvre dans la télévision... Revenons en France et constatons que, malgré les sirènes d'Internet, les jeunes passent un temps important devant la télévision (plus de 2h par jour selon l'étude de Médiamétrie ). La plupart des programmes ne sont pas francophones (pas seulement pour la jeunesse) et pourraient être sous-titrés. Il s'agirait d'introduire la lecture là où les jeunes ont pris l'habitude de pouvoir s'en passer pour constituer la télévision comme un support alternatif de plaisir. Bien sûr la transition serait difficile mais une telle mesure aurait une réelle efficacité. Et à l'heure où les discours fleurissent sur la fragilité du niveau des élèves en matière de lecture, pourquoi se priver de ce puissant levier ? Il pourrait tout à fait trouver sa place dans une politique de lecture publique mais aussi de l'Education Nationale étant donné ses vertus du point de vue de l'acquisition des langues étrangères et notamment de l'anglais...
15.10 2013

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