C’est l’élément le plus marquant dans l’évolution récente du marché. Les ventes réalisées sur Internet sont à la peine. De nombreux diffuseurs en témoignent. Au CDE, où l’activité du premier trimestre s’inscrit en hausse de 40 %, les ventes en ligne sont en recul de 0,6 %. Chez Actes Sud diffusion, où le premier trimestre se solde par un essor de 6 % de l’activité, Internet accuse une chute de 20 %. Bien que ne communiquant aucun chiffre, le directeur commercial d’Hachette Livre, Francis Lang, confirme aussi à sa (grande) échelle la contre-performance du commerce en ligne.
Sans parler de baisse, la directrice de diffusion de Flammarion Diffusion, Pascale Buet, reconnaît qu’il marque le pas depuis presque un an. Le phénomène est, selon elle, largement attribuable à Amazon, qui domine ce canal. "Amazon a pâti de la campagne médiatique dénonçant ses fraudes fiscales mais aussi de la nouvelle loi interdisant d’octroyer aux clients sur Internet une remise de 5 % sur le prix des livres dès lors que ceux-ci ne sont pas retirés en librairie. Ce qui n’a pas forcément nui autant au numéro deux du secteur, Fnac.com, qui a pu continuer à offrir cet avantage en s’appuyant sur son réseau de magasins."
Causes structurelles
Amazon n’est pourtant pas le seul site de commerce en ligne à se retrouver en porte-à-faux au moment où le marché du livre connaît une embellie. Pour Mathias Echenay, directeur général du CDE, la contre-performance d’Internet s’explique par des éléments plus structurels que le discours anti-Amazon et la volonté des consommateurs d’aider au maintien des commerces de proximité. Selon lui, "les sites ont surtout pâti du durcissement de leur politique d’achat. A force de vouloir réduire leurs stocks et gagner toujours plus, ils sont allés trop loin et se retrouvent aujourd’hui régulièrement en rupture. Ce phénomène est particulièrement sensible sur les gros best-sellers et, à l’inverse, sur les petits tirages." Même constat chez Actes Sud diffuseur, où l’on observe, pour les quatre plus gros sites de vente en ligne, une baisse des achats sur l’ensemble des titres, entraînant un déplacement de la pression logistique vers les distributeurs. Confirmant le décrochage d’Internet et en particulier d’Amazon, dont le poids a reculé de 10 % à 7 % en un an, le président de la Sofédis, Marc Galitzky, estime tout simplement que "§les sites Internet sont aujourd’hui moins bons qu’ils ne l’ont été". Il reste que, après de nombreuses années de croissance ininterrompue, ils ont sans doute aussi atteint un certain niveau de maturité. Selon le dernier baromètre TNS Sofres réalisé pour le ministère de la Culture, Internet a représenté, en 2014, 18,5 % du marché du livre, à parité désormais avec les librairies généralistes et spécialisées (hors maisons de la presse, librairies-papeteries et kiosques).