D'elle on aime, depuis Mon grand-père (Allia, 1999), la manière d'écrire et de raconter les histoires. L'oeil aiguisé capable de saisir les petits détails qui en disent long. Alors qu'elle pilote une programmation au Centre Pompidou (du 22 février au 12 mars, entrée libre) intitulée « W, Sebald Fiction », Valérie Mréjen rejoint l'écurie P.O.L avec Forêt noire.
Il est ici question de vies et de morts. D'histoires d'amour et de reconstruction, de destins qui basculent vers le drame. Un homme, chez lui, regarde par la fenêtre de son appartement les passants, le monde en marche. Lui se sent "assez vieux", détache "la boule disco de sa poutre et y glisse à la place une corde". Voici également une famille - composée d'un père divorcé et de ses trois enfants - qui se prépare pour la soirée du réveillon.
Le père est un peu à l'ouest, il a une amie. Son ex-femme, elle, a 38 ans, un amant et des tendances suicidaires. Voici surtout que surgit ensuite la voix d'une narratrice qui reprend le fil d'une conversation interrompue des années plus tôt. Elle a atteint, puis dépassé l'âge que sa mère avait le jour de sa disparition et se retrouve "dans l'étrange position d'être devenue son aînée".
Avant de se marier, la défunte avait voyagé en Forêt-Noire, à Baden-Baden. Et si elle revenait aujourd'hui ? imagine sa fille. Beaucoup de choses ont changé. La couleur des tickets de métro, la monnaie. Paris s'est transformée, les gens téléphonent dans la rue en se déplaçant. La fille se voit parcourant la ville avec elle, se demande comment elle réagirait à ce qui l'entoure, à l'époque actuelle. Elles pourraient se rendre dans des magasins de décoration, s'arrêter dans un café resté dans son jus...
Valérie Mréjen montre les douleurs rentrées, les regrets. Elle brosse sans hausser le ton le portrait d'une mère qui a eu un grand amour interdit, a tout quitté et s'est brûlé les ailes. Avec le lancinant et étrange Forêt noire, la plasticienne, cinéaste et écrivaine confirme qu'elle possède un regard et un univers singuliers.
