Le mûrier à papier, ou mûrier de Chine, est utilisé au Japon depuis le VIIe siècle pour fabriquer du papier. Il est aussi au cœur de l'activité de Benoît Dudognon et Stéphanie Allard, cofondateurs en 2010 de l'Atelier papetier installé à Salasc (Hérault), et uniques fabricants en Europe de papier japonais ou « washi ».

« J'ai travaillé dix ans dans l'industrie, sur les machines à papier. Grâce à Stéphanie, qui travaillait à l'époque dans des parcs nationaux, j'ai fait une initiation à la restauration de livres anciens ; c'est comme ça que j'ai découvert le papier japonais », raconte Benoît. Ensemble, le couple part se former au Japon afin de maîtriser les techniques traditionnelles de fabrication, depuis la réalisation des feuilles jusqu'au façonnage des papiers.

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Stéphanie Allard et Benoît Dudognon, créateurs de L'Atelier papetier à Salasc (Hérault).- Photo DR

68 000 papetiers

« Au Japon, il y avait 68 000 papetiers avant la Seconde Guerre mondiale. Ils produisaient autant pour l'habitat que pour les livres. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une centaine et je forme moi-même des personnes dans l'Archipel, où le savoir-faire s'est perdu », poursuit Stéphanie.

Un métier exigeant, et peu rémunérateur à l'heure actuelle. « Pour faire entre 30 à 40 feuilles de 1 mètre par 66 centimètres, on a besoin de 45 heures, en comptant les temps d'agriculture et de récolte. Cela revient à 6 euros net de l'heure », détaille Benoît. Mais le jeu en vaut la chandelle. Le washi n'est toxique ni pour la santé humaine ni pour l'environnement, lorsqu'il est fabriqué de façon artisanale. « Il nous faut seulement de la fibre de mûrier, la main, et l'eau », précise le papetier. Compatibles avec des imprimantes laser ou jet d'encre, leur coût est élevé, de l'ordre de 30 à 35 euros la feuille.

Livres hybrides

« Dans le domaine du livre, c'est un produit d'avenir, mais il faut y aller crescendo », expliquent Stéphanie et Benoît, qui défendent « le livre hybride ». « Même si les livres sont faits avec des pages et des produits plus industriels à l'intérieur, le fait que la couverture soit en washi évite leur dégradation rapide », affirme le duo. Tel est d'ailleurs l'esprit de leur collaboration avec les éditions sun/sun, pour lesquelles l'Atelier papetier a réalisé la couverture du livre de photographies Dysnomia, d'Alexandre Dupeyron. Travaillant aussi avec la jeune maison lilloise La Fourmi, l'Atelier papetier contribuera à la fabrication d'environ 500 exemplaires de livres en 2024.

« Du côté de l'édition, la demande pousse, mais nous ne sommes que deux », pointe Stéphanie. Le couple rêve de créer une coopérative de papetiers artisanaux. « Cela permettrait de centraliser le savoir, mais aussi de mutualiser la récolte ou encore certaines fonctions, comme la communication et la commercialisation », indique Stéphanie. In fine, le prix des feuilles baisserait lui aussi. Le petit plus ? Des livres faits en washi pourraient être entièrement recyclés en sacs à main, en vêtements, ou encore en isolant pour les maisons. S. L.

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