Aussi talentueux que prolifiques, Dominique Fernandez, écrivain et académicien, et Ferrante Ferranti, architecte devenu photographe, sillonnent la planète pour en décrire et en montrer les splendeurs, surtout baroques, dans des albums inspirés. Cette fois, leur voyage a été moins lointain, quai de Conti, mais le dépaysement et la surprise sont au rendez-vous. Car le siège de l’Académie française est à la fois l’un des monuments les plus emblématiques et les plus mystérieux de notre patrimoine. Qui sait les institutions qu’il abrite (l’Institut de France avec ses cinq académies), leur histoire, leurs rites, leur mode de fonctionnement, comment elles se sont adaptées au monde moderne ? Seul un écrivain déjà Immortel, donc soupçonnable d’aucune arrière-pensée et muni de tous les sésames, pouvait écrire ce livre, en absolue liberté. Dominique Fernandez ne s’en prive pas. Certes, il retrace minutieusement l’histoire de l’Académie, depuis sa création par Richelieu, la construction par Le Vau pour Mazarin de l’actuel palais, destiné à abriter son collège des Quatre-Nations (et son tombeau dans la chapelle, devenue la Coupole), puis son attribution à l’Institut de France par Napoléon, en 1805. Mais il n’esquive pas les sujets qui fâchent, commençant même par les critiques et quolibets que l’Académie a, dès son origine, suscités. « Un vieux pot à cornichons », disait Barbey d’Aurevilly, qui n’en fut pas. Et peut-être à cause de cela.
Fernandez décrypte les rites et rituels de l’institution pour son lecteur, lequel a un peu l’impression d’être le président de la République (protecteur de l’Académie) en visite. Et à ce sujet, l’écrivain rappelle que les rapports entre l’Académie et le pouvoir n’ont pas toujours été paisibles. On lui offre un fauteuil de luxe, le 41e, au cœur de la Coupole. De là, il peut en admirer la structure, et cette étonnante double coupole : ronde à l’extérieur, ovale à l’intérieur. « Furieusement baroque », jubile Ferrante Ferranti qui, architecte dans l’âme, s’est régalé. Crapahutant sur les toits, il nous montre l’édifice tel qu’on ne l’a jamais vu, complexe, subtil, harmonieux.
Le livre lui-même est double : un texte autonome (on n’oublie pas le chapitre, épatant, sur le dictionnaire) et enlevé, « qui sera republié ultérieurement seul », précise l’éditeur Philippe Rey, et un ensemble de photographies magiques. Le résultat, nullement académique, plutôt baroque ? J.-C. P.