Hans Küng a toujours pensé librement, un peu trop au goût de certains. Cela a valu à ce théologien suisse d’être interdit d’enseignement en 1979 par Jean-Paul II pour déviationnisme. Dans ce petit livre rebelle et d’une belle densité, ce penseur de 87 ans atteint de la maladie de Parkinson a réuni l’ensemble de ses dernières réflexions sur l’aide à mourir. "Je serais content de mourir en pleine conscience et de me séparer dignement des gens qui me sont chers." Outre des conférences et des articles, on y trouve l’excellent entretien accordé à Anne Will sur la chaîne de télévision allemande ARD. "J’aimerais tellement que l’Eglise aide l’homme à mourir et ne se contente pas de lui administrer l’onction des malades." Dans d’autres interventions, Hans Küng revient sur une idée fondamentale à ses yeux. "Si Dieu est censé fonder de la confiance, il ne saurait interdire à l’homme de disposer de sa vie pour autant qu’il ne voit pas d’autre issue pour sortir de souffrances insupportables." Dans son approche des soins palliatifs ou de l’euthanasie - la "bonne mort" dans l’Antiquité grecque et juive -, Hans Küng apporte une réflexion éthique essentielle pour le droit de l’homme à mourir dans la dignité, un droit qu’il sépare de la foi. "Celui qui acquiesce à une aide à mourir active, philosophiquement et juridiquement fondée, n’a pas nécessairement à affirmer pour autant la dimension spirituelle et religieuse du mourir." Résolument à l’encontre des positions vaticanes sur le sujet - même s’il apprécie le pape François -, l’auteur de Dieu existe-t-il ? (Seuil, 1981) montre pour lui et pour nos sociétés l’urgence d’une réflexion éclairée sur ce que l’on nommait sous la Renaissance l’ars moriendi, l’art de bien mourir, qui respecte la dignité de l’homme. Laurent Lemire