Enzo Popov, 12 ans, vit seul avec sa mère Liouba dans un grand appartement, dans le premier arrondissement de Paris. Ils ne sont pas chez eux : les riches propriétaires viennent et repartent, sans prévenir. Pendant leurs absences, la mère fait le ménage, achetant ainsi le droit d’être hébergée dans une chambre, partagée avec son fils, et de pouvoir le scolariser dans le « prestigieux » collège du quartier.
Après l’histoire d’amour et d’adultère de Nous étions faits pour être heureux (Albin Michel, 2012), la dramaturge et romancière Véronique Olmi met en scène le couple formé par cette jeune femme « encore dans les 20 » et ce préado au « cœur gras », encombré d’un corps « en surpoids », qui ne connaît rien de son histoire. Deux exclus posés là, au passé plein de trous et à l’avenir chargé de menaces, qui grandissent dans une promiscuité aimante mais étouffante, isolés dans un monde qui ne leur fait aucune place. Le pire est le quotidien humiliant d’Enzo au collège, où il est le souffre-douleur de ses camarades, masse hostile à qui la romancière réserve sa charge la plus dure. «C’était le pays de l’apprentissage et de la bêtise, des satisfactions de groupe, avec ses convictions faciles, ses amitiés de caste, de jeunes adolescents à la conscience endormie qui n’avaient pas envie de s’encombrer de remords… » La suite de l’histoire fournira une très violente illustration de ce constat.
Véronique Olmi s’attache au duo mère-fils, typant à l’extrême les personnages périphériques, « les autres » - « Patrons », enseignants, collégiens… Elle saisit la relation filiale à ce moment de passage où l’enfant prend conscience de sa puissance et où le pouvoir, la dépendance changent de camp. Et ils sont touchants dans leur tendresse maladroite, leurs douloureuses stratégies d’adaptation. Elle, surtout, en consciencieuse apprentie « bonne mère ». Sa fierté quand elle montre son fils endormi aux amants de passage qu’elle ramène le samedi, sur le matelas tiré dans le salon, après être allée danser. Le garçon, lui, fait vivre la nuit des fantômes qui prennent de plus en plus de place. Parce que fuguer, s’absenter hors de soi et de cette « foutue réalité », apparaît comme le seul moyen de s’échapper du grand appartement.
V. R.