Le dernier livre de G.H. Fretwell, l'écrivain dont Andi Watson a fait le personnage principal de La tournée, s'intitule Sans K. Mais à la lecture des premières pages du nouveau roman graphique de l'auteur anglais de Breakfast after noon (Casterman, 2002, réédité par Çà et là en 2017), on comprend vite qu'on y sera surtout « avec K », dans un climat toujours plus kafkaïen.

A l'origine, il y a une banale histoire de tournée d'auteur dans l'Angleterre profonde. Romancier peu connu, G.H. Fretwell laisse son épouse, Rebecca, et leur fils, Oliver, qui ne lui portent guère d'attention, pour assurer en solitaire la promotion de son nouveau titre. Mais l'affaire ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Sans K ne bénéficie d'aucune chronique dans la presse. Fretwell guette vainement chaque jour un article qui ne vient jamais dans la rubrique littéraire du quotidien La Tribune, dont il a pourtant connu l'un des journalistes à l'université. Dès son arrivée, en train, à sa première étape, l'écrivain se fait voler sa valise. Le programme de sa tournée ne cesse d'être modifié unilatéralement par sa maison d'édition et, lorsqu'il doit dîner avec Fletcher Nicholson, son éditeur, dont il attend une réaction sur le dernier manuscrit qu'il lui a remis, celui-ci s'est fait remplacer par un certain Clarke. Cet éditeur de poésie, très peu concerné, le quittera en lui laissant l'addition.

Quant à la tournée, elle se révèle calamiteuse. Tandis que les libraires accueillent Fretwell avec une chaleur et un professionnalisme inégal - l'un d'eux ne retrouve même plus les exemplaires de son roman -, ses séances de dédicaces n'attirent aucun lecteur. Surtout, la première libraire qui l'a accueilli disparaît le soir même. Plus tard, on la retrouvera morte, assassinée dans les docks. La police est à la recherche d'un tueur en série, un mystérieux « tueur à la valise » dont le parcours épouse curieusement celui de l'écrivain, au point que ce dernier va se trouver soupçonné. Alors qu'il n'en peut mais, il va peu à peu se comporter en coupable.

Figure de la trop clairsemée scène graphique britannique, Andi Watson donne dans La tournée le meilleur de son art, foncièrement minimaliste. Avec un très fin travail au trait, qui ne fait aucune concession aux effets, mais restitue au contraire avec précision les humeurs de ses personnages en faisant appel à un minimum de moyens, il distille un climat étrange et anxiogène. Sans oublier de croquer avec malice certains travers des professionnels du livre, auteurs compris.