21 août > roman France

Nicolas d’Estienne d’Orves, dont L’enfant du premier matin (XO, 2011) sort en juillet chez Pocket, a toujours eu un univers pour le moins haut en couleur et une étonnante capacité à se jouer du fantastique. La dévoration, son dernier roman, est de loin son plus surprenant et son plus accompli. Qui n’a pas froid aux yeux le suivra ici. Et découvrira comment il imbrique brillamment plusieurs histoires.

Voici d’abord qu’apparaît Nicolas Sevin. Un jeune homme qui, à l’âge de 21 ans, est secoué par une tempête intérieure, un besoin de rompre avec Sonia, son "petit cœur", qui ne comprend pas sa décision et lui annonce qu’il va "morfler". Nicolas, nous le retrouvons dix ans plus tard. Fils d’une papesse de la littérature jeunesse chez qui il habite encore et d’un père relieur, il est devenu un prosateur connu. Un forçat du clavier qui bat avec une régularité de métronome "la même mayonnaise", et a gratifié ses lecteurs du Culte du sang, des Joies du mal, de L’apologie de la souffrance ou de la Douleur nue.

Le romancier prétend qu’on le lit "comme on prend un laxatif", qu’il "vidange". Fasciné par le Mal, obsédé par la noirceur, il déteste l’introspection et ne sait quoi répondre quand son éditrice lui demande de changer de voie. Parallèlement à l’histoire de Sevin, d’Estienne d’Orves conte celle des Rogis. En 1728, le premier est le meilleur boucher de Rouen. Envoyé au cachot, attendant d’être pendu en place publique, on lui propose finalement une place de bourreau.

Tâche dont les Rogis vont s’acquitter au fil des siècles, devenant une famille dont la mort est le labeur à Paris, à Bicêtre, aux Baumettes où entre un jour de 1977 Marcel Rogis, exécuteur des arrêts criminels. Le puzzle maléfique mis en place par l’auteur des Fidélités successives (Albin Michel, 2012, repris au Livre de poche) ne serait pas complet sans la présence de l’affaire Morimoto, fameux étudiant japonais cannibale qui défraya la chronique en 1981, l’année de naissance de Nicolas Sevin…

Chef d’orchestre dosant parfaitement ses effets, Nicolas d’Estienne d’Orves se dévoile plus carnassier et vorace que jamais dans La dévoration. Envoyez la musique. Au risque d’être éclaboussé par quelques giclées de sang !

Alexandre Fillon

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