Le Rouge et le noir, Mémoires d'Hadrien et La Princesse de Clèves. Trois chefs-d'œuvre de la littérature française, au programme du bac de français, pour le chapitre consacré au roman. La promotion de la lecture fait partie des piliers des cours de français au collège et au lycée, mais « quand j'ai découvert les titres, j'ai fait le deuil de la lecture de mes élèves », déplore Élodie Pinel, professeure de lettres dans un lycée de Saint-Germain-en-Laye.
Le défi est posé chaque année aux enseignants de français : il leur faut donner le goût des livres aux adolescents, alors qu'ils doivent leur faire découvrir et analyser un patrimoine littéraire parfois difficile d'accès. Autre gageure : s'adapter aux directives ministérielles, bien changeantes en la matière. « Dans les années 1960, de virulentes critiques s'adressent à l'apprentissage de la "littérature en miettes" », rappelle Anne-Marie Chartier, maîtresse de conférences en histoire de l'éducation à l'ENS de Lyon. Loin des habitudes installées par Lagarde et Michard, s'impose alors l'étude des œuvres complètes. D'autant qu'est apparu le livre de poche, démocratisant l'achat des classiques.
L'école post-68, qui voit aussi entrer dans les classes des écrits contemporains et des titres de littérature jeunesse, oscille depuis entre l'accent mis sur la lecture, par des livres plus proches des élèves, et l'importance accordée aux œuvres patrimoniales.
Carnets de lecture
« La fin des années 2000 a signé le retour des classiques au programme du collège. Une réforme à laquelle nous avons contribué, car la découverte du patrimoine nous semble relever du rôle de l'école », indique Romain Vignest, enseignant le français dans un collège parisien et président de l'association des professeurs de lettres.
Quelles que soient les injonctions en vigueur, « le Graal c'est de leur donner envie de lire », pose Camille Riveron, professeure de français dans un collège de Sarcelles. Elle n'impose pas de lire des œuvres patrimoniales in extenso mais des extraits. « Pour coller aux grands thèmes du programme, je leur propose de lire Petit pays, de Gaël Faye ou La Petite dernière, de Fatima Daas, courts et plus en phase avec leur intérêt », décrit-elle.
Les carnets de lecture constituent un outil répandu. Le Robert est le premier éditeur à avoir dégainé un Mon carnet de lecture, en collant au bac de français nouvelle mouture, qui inclut une présentation orale d'un livre lu au cours de l'année. « Une sorte de cahier de vacances, ludique », décrit, Élodie Pinel, une de ses autrices.
Écrits d'appropriation
Romain Vignest mise pour sa part sur la lecture à haute voix. « Les élèves lisent à tour de rôle. Nous nous arrêtons souvent, c'est une lecture dirigée. Je suis comme un maître-nageur qui tend sa perche pour apprendre à nager. »
L'an dernier, Françoise Cahen, professeure de lettres dans un lycée d'Alfortville, a orchestré une lecture collective, sur Wattpad*, de L'Assommoir, d'Émile Zola. « Les élèves ont annoté le texte de leurs questions et réflexions : 1 350 au total ! » Cette enseignante embarque chaque année ses élèves dans la rédaction d'« écrits d'appropriation ». Une de ses classes de première travaille par exemple en ce moment sur l'invention de « vraies confidences », inspirée de la pièce de Marivaux. Pour quels résultats ? « Certains élèves me disent qu'ils n'avaient jamais lu un livre avant moi, même au lycée. Oui, on peut arriver à raccrocher des élèves à la lecture. Mais nous ne sommes pas des magiciens. Nous sommes modestes : on fait ce qu'on peut avec les classes qu'on a. » S. F.
* réseau social de publication de récits.