Le libraire du rayon beaux livres, qui reçoit les représentants des maisons d’édition pendant l’été, se voit confronté à l’automne à un arrivage massif de la production. "Tant qu’on n’a pas le livre entre les mains, il reste difficile de préparer la présentation en amont. Je procède toujours à un ajustement des commandes et de la présentation en novembre", explique Thomas Le Seac’h, de la librairie des Halles à Niort. Une préparation d’autant plus complexe quand la programmation est éparse et que les éditeurs "font preuve de prudence, avec peu de titres originaux cette année, comme le juge Jean-Marie Aubert, de la librairie Masséna à Nice. C’est alors à nous de mettre en avant ce qui en vaut la peine. Dans mon cas, j’essaie de pousser le client vers les productions très finies en termes de fabrication." Le conseil du libraire est primordial pour ce rayon, dont les livres sont moins médiatisés qu’en littérature générale. Un travail qu’il prépare en amont. En attendant l’arrivée des livres, Jean-Marie Aubert montre par exemple aux clients les "blades" (échantillons présentant les bonnes feuilles d’un ouvrage) des titres qui lui ont tapé dans l’œil à la présentation. D’autres professionnels, comme Armelle Kirch, du Hall du livre, à Nancy, s’efforcent de mettre en valeur le plus d’ouvrages possible sur des tables, quitte à bouleverser régulièrement l’aménagement, afin de faciliter la prise en main et pour que les clients soient attirés immédiatement par les couvertures : "C’est un peu comme jouer à Tetris, plaisante la libraire. D’octobre à décembre, le beau livre est en déplacement perpétuel, pour que le plus de titres possible aient droit à une exposition sur tables." Pour certains titres coups de cœur, les libraires organisent une soirée dédiée au beau livre, en présence de l’auteur ou de l’éditeur.

Diane de Selliers est une habituée du procédé et prend régulièrement la route. Elle reconnaît que son choix de ne produire qu’un seul livre par an facilite ce type de tournée promotionnelle. L’éditrice assure aussi "tout faire pour accompagner les libraires et considérer toutes leurs demandes". Car de manière générale, les éditeurs de beaux livres renforcent leur collaboration avec les libraires et mettent de plus en plus de matériels à leur disposition. Chez Textuel, Marianne Théry, qui a choisi de fêter les 20 ans de la maison notamment par une série de rencontres chez Mollat à Bordeaux (voir p. 10), met un point d’honneur à fournir un matériel de vitrine à la demande et sur mesure, tout comme Virginie Migeotte, chargée des relations libraires pour Le Sous-sol, qui, pour le premier beau livre de la maison, Au bonheur des lettres de Shaun Usher, avait organisé des vitrines avec des agrandissements de lettres choisies par les libraires dans le livre.

Médiatisation des catalogues

Parmi les beaux livres présentés en librairie, les catalogues d’exposition font figure d’exception car ils prennent non seulement une place croissante, mais sont de plus en plus demandés, du fait de leur médiatisation, même par un public qui ne fera pas le déplacement au musée. Un lectorat différent de celui du beau livre traditionnel. "Les clients des catalogues d’exposition ne sont généralement pas ceux qui flânent dans le rayon. Ils savent ce qu’ils veulent en arrivant dans la librairie", constate Gilberte Trierweiler, de la librairie Goulard à Aix-en-Provence. "C’est médiatisé, alors c’est demandé", résume Thomas Le Seac’h.

Il s’agit de trouver l’équilibre entre la mise en avant de coups de cœur du libraire, l’exposition d’ouvrages médiatisés et l’organisation de soirées. Mais quand le charme opère, cela peut se révéler particulièrement gagnant. "Un ou deux gros succès peuvent porter entièrement le rayon", précise Antoine Ladune, de la librairie Au brouillon de culture à Caen. D’où la nécessité d’une minutieuse préparation chez les libraires comme chez les éditeurs. "Ce rendez-vous annuel est un travail de longue haleine, qui se prépare tout au long de l’année", conclut Jean-Marie Aubert.

09.10 2015

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