Entré dans le domaine public américain le 1ᵉʳ janvier, le personnage de Tintin créé par Hergé en 1929, fait toujours l’objet d’un vif intérêt en France, où les droits de l’œuvre ont encore de beaux jours devant eux. Et pour cause : les aventures du jeune reporter connaissent un nouveau souffle chez leur éditeur, Casterman, qui publie, ce mercredi 8 janvier, une réédition du Lotus bleu.
Paru à l’origine en 1936 après une prépublication dans le journal Le Petit Vingtième, l’album de 124 pages (contre 64 pour la version colorisée d'après guerre) est désormais colorisé, comme l’ont été Tintin au pays des Soviets, Tintin au Congo et Tintin en Amérique, entre 2017 et 2020. Sur la quatrième de couverture du nouveau Lotus bleu, on peut notamment lire la promesse d’« une palette de couleurs inédites, dont les nuances rehaussent particulièrement les scènes de nuit, révélant ainsi l'intensité de l'action et la beauté des vignettes ». Ce qui ne manque pas de séduire les tintinophiles.
En Amérique, Tintin dans le domaine public
« Les puristes ne les attendaient pas particulièrement, mais, avec leur grand format, ils [les nouveaux albums] ont le charme des images, plus grandes, de la BD d'aujourd'hui. Dans l'épaisseur de trait, le dynamisme de l'aventure, il y a une fluidité et une modernité qui appellent à la redécouverte », commente Benoît Peeters, l'un des grands spécialistes de l'œuvre de Hergé, interrogé par l'AFP.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’édition originale, en noir et blanc, de Tintin au pays des Soviets n’est quant à elle plus protégée par le droit d’auteur depuis le 1ᵉʳ janvier 2025. En effet, la législation américaine permet d’exploiter les œuvres parues 95 ans plus tôt. Les ayants droit du dessinateur belge y voient un « non-événement », ont-ils indiqué à BFM TV en décembre dernier. « L'enjeu économique est faible. Tintin est peu présent aux États-Unis, comme on l'a vu avec le succès relatif du film de Spielberg », confirme Benoît Peeters, évoquant notamment Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, en 2011.
Des ayants droit protecteurs
En Europe ou au Canada, la loi prévoit une exploitation de l’œuvre seulement 70 ans après le décès de son auteur. L’œuvre d’Hergé, décédé en 1983, ne sera donc pas libre d’utilisation avant le 1ᵉʳ janvier 2054. Par ailleurs, les ayants droit, à savoir la veuve d’Hergé, Fanny Vlamynck, 90 ans, et son second mari, Nick Rodwell, 72 ans, ont adopté une ligne jusqu'au-boutiste, conforme aux dernières volontés du créateur. Autrement dit, il est formellement interdit, pour qui que ce soit, de dessiner Tintin et ses acolytes.
« On parle souvent d'abus de leur part. Il faut quand même redire qu'à l'époque du piratage et du pillage des livres par l'IA, il est normal de protéger l'œuvre d'un auteur, même longtemps après sa mort. Et c'est ce qu'ils font », commente Benoît Peeters.
Ils vont même au-delà, puisque la couverture de ce nouveau Lotus bleu, conçue à partir d'une vignette (qu'on trouve page 24), ainsi que toutes les couleurs à l'intérieur, sont des choix contemporains. Impossible de dire dans quelle mesure Hergé les aurait approuvés.
Hergé et le monde chinois
Ce que rappelle la préface, rédigée par Philippe Godin, c'est que celui-ci admirait l’art chinois, auquel il s'était initié pour dessiner ses décors. « J'y ai puisé mon goût de l'ordre, mon désir de concilier minutie et simplicité, harmonie et mouvement », disait l’artiste en 1975, cité dans cette nouvelle édition 2025. En Belgique, le musée Hergé de Louvain-la-Neuve aborde cette influence dans une exposition intitulée « En Chine avec Tintin » qui s'ouvre vendredi 10 janvier.
Le personnage-clé est un artiste chinois installé à Bruxelles, le fameux Tchang. Une biographie, Tchang Tchong-Jen artiste voyageur, signée par la fille du peintre, Tchang Yifei, et par un spécialiste de Tintin, Dominique Maricq, paraît également ce mercredi 8 janvier, aux éditions Casterman et Moulinsart.