Voler : le rêve de Tonio, 13 ans. Mais un rêve qui semble bien inaccessible quand on est paraplégique, cloué depuis sa naissance sur un fauteuil roulant et que l’on passe ses journées à regarder le mur au fond de la cour, par la fenêtre d’un appartement. Tonio vit dans une cité de la banlieue parisienne, seul avec sa mère originaire du Portugal et serveuse dans un restaurant. Et sur ce mur, écran de ses journées noires, il projette les images qui tournent dans sa tête. Hallucinations ? Prémonitions ? Réminiscences ? C’est sur ce mur que l’adolescent revoit son père disparu depuis trois ans, que sa mère prétend mort dans un accident de travail. Mais voilà que dans ce huis clos plein de tensions et d’hostilité, où seule la présence virevoltante d’un jeune voisin apporte un peu de légèreté, apparaît Lola.
Généreuse fille du Cap-Vert, elle est aussi positive et expansive dans sa tendresse que la mère de Tonio est verrouillée dans sa colère. Elle devient la bonne fée de la famille, s’évertuant à donner corps aux rêves de l’adolescent et à secouer le chagrin enkysté de sa mère. Porter le garçon aux "jambes mortes" sur son dos pour descendre les deux étages sans ascenseur, laver les rideaux dans une baignoire en les piétinant, transporter des gousses de vanille dans son sac pour confectionner des gâteaux à la noix de coco, rien n’est impossible pour Lola qui a eu "une vie de diable, effrayante, avant".
Martine Merlin-Dhaine fait entendre la voix intérieure de Tonio, handicapé et mutique. Sa rage empêchée, ses pulsions immobiles, son impuissance s’expriment dans un rythme heurté et des phrases suspendues. "Même si parfois j’aurais presque envie de -". Mais ce premier roman plein de brutalité autant que de chaleur humaine, de vies laborieuses, confisquées, et de libertés âprement conquises célèbre surtout les solidarités qui font pousser des ailes. V. R.