On croit lire un roman contemporain, il a été écrit il y a plus de trente ans. Le rocker quitte son groupe à succès, son public qui hurle et qui casse, pour aller s'installer seul dans un appartement à l'abandon, Great Jones Street, New York. Il veut disparaître dans le silence. Il aura la visite de sa petite amie, du voisin du dessus, écrivain, on lui apportera un ou deux paquets qui intéresseront beaucoup trop de gens, dont un chercheur de drogues en laboratoire et un mafieux, mais celui qui le retrouve en premier, c'est son manager. Dialogues étranges en miroir avec ceux de Point Oméga publié l'année dernière, contemplation, construction impeccable, dissolution de la durée, complot dans le complot, magnifiques morceaux de chansons, DeLillo est comme le négatif de Pynchon. Ici, c'est un texte simple et compliqué, dépouillé, à l'atmosphère froide et détendue, méditatif, qui n'est pas vraiment une réflexion didactique sur la contre-culture mais plutôt un roman sur la musique et les mots ( Les Noms , déjà), le silence et la non-action, le langage et l'art. " Manhattan Bridge, le plus sobre des ponts, était reparu à la fenêtre dans la brume qui se dissipait, jamais il n'avait été moins banal, le bras et le sabre du ciel. " Si l'on veut rester dans le décalage... Il suffit parfois de s'intéresser à l'époque, à un objet qu'une pensée voudrait dédaigner  mais dont le rôle est pourtant déterminant dans ce qu'est l'industrie du divertissement. Son invention, en quelque sorte, remonte à 1961. Le jeu vidéo a cinquante ans. Et son chiffre d'affaires dépasse largement celui du cinéma. La Philosophie des jeux vidéo est une enquête historique, esthétique (dans ses rapports avec le cinéma), économique qui ouvre un champ qui ne demande qu'à être approfondi, élargi, du moins en France puisqu'existent déjà ailleurs des game studies . L'une des questions posées vise à comprendre comment le capitalisme culturel s'est approprié ce produit de la recherche universitaire, qui, dans le fond, n'est "qu'un jeu". Il s'ouvre sur un beau dialogue entre le fameux plombier moustachu, héros emblématique des jeux Nintendo, Mario, et Socrate. S'ensuivent deux parties anthropologiques et philosophiques des plus intéressantes faisant régulièrement appel à Roger Caillois sur ce qu' est un jeu vidéo : un "objet subjectif" qui n'existe que parce qu'on y joue, dans cette activité entre le joueur et la machine, dans un lieu indéfini entre l'esprit, le corps, et le programme. Tout ça pour se rappeler qu'on joue enfant avec des bricoles, des peluches, des figurines, on colorie, on fait la guerre ou l'on s'entraide, on est seul ou à plusieurs, on partage quelque chose de l'ordre du miroir de nos vies. Et après ? Si vous voulez un livre de vacances, il y en a un sorti en septembre dernier. Fin des sixties, Califorrnie, plage, surf, drogue, plein de personnages, un milliardaire, un détective, une jeune fille disparue, presque un polar de manipulation sur fond de rock'n'roll. Mais c'est bien plus que ça. J'en avais déjà rapidement parlé, je n'avais pas mentionné un détail sans importance : sa couverture rouge, jaune et verte. Perfect . Son titre : Vice caché . Et puis, à la rentrée, Britney Spears va se faire enlever. Enfin peut-être. Bel été :) _________ Great Jones Street , Don DeLillo, Ed. Actes Sud Philosophie des jeux vidéo , Mathieu Triclot, Ed. Zones Vice caché , Thomas Pynchon, Ed. du Seuil Le Ravissement de Britney Spears , Jean Rolin, Ed. POL (à paraître le 25 août 2011)
17.10 2013

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