« Le XXe siècle est l'âge tant de la traduction que de la retraduction, et il est marqué par une formidable extension dans le temps et dans l'espace des ouvrages - et des domaines - traduits », écrivent Bernard Banoun et Isabelle Poulin, codirecteurs avec Yves Chevrel du quatrième et dernier volume de l'Histoire des traductions en langue française, qui paraît le 16 mai chez Verdier.
Cet imposant volume de 1 920 pages, qui court de 1914 au tournant du XXe-XXIe siècles, et auquel ont collaboré 200 chercheurs, témoigne de l'explosion de la traduction. « Cette période est caractérisée par deux grands phénomènes : l'accroissement du nombre de traductions, particulièrement sensible à partir des années 1980, et le développement de réflexions théoriques et méthodologiques tant sur l'acte traductif lui-même que sur la lecture critique des œuvres traduites », explique Yves Chevel en avant-propos. « C'est à la fois le siècle d'une pratique traductive plus rigoureuse et celui d'une émancipation du traducteur qui peut se vouloir créateur », insiste-t-il.
Trente chapitres composent l'ouvrage que ses concepteurs ont voulu largement ouvert à de nouveaux domaines comme le cinéma, la bande dessinée, la chanson, les livrets d'opéras. On y lira aussi des articles sur la psychanalyse, le féminisme et études de genre, les retraductions, la traductologie (une nouvelle discipline). Sans oublier une ouverture à la Belgique, à la Suisse et au Québec, que confirme Bernard Banoun, « la circulation des littératures entre les espaces francophones étant devenue plus importante ». Pour Bernard Banoun, l'attention s'est portée au fil du temps sur différentes régions du monde - l'Amérique latine dans les années 1970, la Corée, et, actuellement, l'Afrique, l'Inde et l'Extrême-Orient -, si bien que tous les continents ont été couverts. « Comme l'écrit Barbara Cassin, la traduction modifie notre cartographie du monde », commente-t-il. Selon ces chercheurs, dans les années à venir, la traduction va devoir relever plusieurs défis : la révolution numérique, l'étude génétique « révélatrice des potentialités infinies d'un texte », le plurilinguisme et la mondialisation. « Les sous-titrages de films, les surtitrages de pièces de théâtre et d'opéras, les bandes dessinées et les mangas, sont venus bouleverser les habitudes de publics désormais plus directement confrontés à des textes étrangers à leur culture », constatent-ils.
Claude Combet