A lui seul, il pourrait résumer tous les autres. Parmi les 525 romans de cette rentrée d'hiver, il en est un, aussi foutraque que fascinant, qui porte en germe chacun d'entre eux. Toutes les histoires, mais aussi tous les champs d'interprétation possibles composent le "bouillon de culture" qu'est >le premier roman de la jeune Argentine Pola Oloixarac, Les théories sauvages.
Y a-t-il dans l'ADN de ce pays, fait d'exils et de rêves déchus, quelque chose qui le prédispose à voir naître, de Borges à Fresán et de Cortazar à Pauls, les aventures littéraires et postmodernes les plus risquées et attirantes ? Quoi qu'il en soit, le cas de la "señora" Oloixarac relève bien de ce registre. Il serait absurde de chercher à résumer son livre. Tout juste peut-on distinguer que deux "récits" disjoints semblent en constituer la colonne vertébrale : le premier autour d'une étudiante poursuivant un professeur de philosophie afin de le convaincre de sa capacité à compléter et à prolonger une théorie révolutionnaire esquissée quelques années auparavant ; et le second s'attachant à un "couple" d'adolescents dont l'ingratitude physique n'a d'égale que leur virtuosité en matière de technologies nouvelles.
Roman de formation autant que de "déformation", Les théories sauvages "bouffe à tous les râteliers" avec une salutaire insolence. Roman politique, fable sur le conflit des générations, salué par des aînés aussi prestigieux que Mario Bellatin, Ricardo Piglia ou David Leavitt, le coup d'essai de Pola Oloixarac est une Conjuration des imbéciles où "Vanity Fair" croiserait Wittgenstein... Rien que ça ? Oui, et justement, ce n'est pas rien.