Guerre & guerre a été commencé en 1992 et publié en 1999. Le quatrième roman de László Krasznahorkai, écrivain hongrois célébré par Susan Sontag, Colm Toibin, Nicole Krauss ou Imre Kertész, suit à la trace un homme en fuite. György Korim a 44 ans et se dit las de ne rien comprendre au monde qui l’entoure, qu’il juge complètement fou. Historien local qui travaille au centre des archives, à 220 km au sud de Budaptest, le héros de l’auteur de La mélancolie de la résistance (Gallimard, 2006) et d’Au nord par une montagne, au sud par un lac, à l’ouest par des chemins, à l’est par un cours d’eau (Cambourakis, 2010) a entrepris un « grand voyage ». Conscient qu’il lui fallait « agir, foncer droit devant lui ».
Ledit voyage démarre mal. Le voici d’emblée submergé par la peur, sur une passerelle battue par les vents surplombant les voies ferrées, sur le point d’être dévalisé par sept gamins entre 11 et 14 ans équipés de lames de rasoir. Avec son air « d’extraterrestre sans défense », Korim est parti vers New York sans bagages. Avec seulement son passeport, un manuscrit et un manteau crasseux où il cache de l’argent liquide dans la doublure.
Le manuscrit qu’il a lu aux archives l’a captivé bien qu’il n’y ait rien compris. Au point qu’il ressente le besoin d’en relater les faits - l’odyssée d’un certain Kasser et de ses trois compagnons en Crète, Basse-Bavière ou à Venise - et de le saisir sur ordinateur… Romanesque et en apesanteur, mystérieux avec une violence latente qui jaillit quand on ne l’attend pas, Guerre & guerre est un labyrinthe aussi incroyable que vertigineux. Totalement envoûtés par sa puissance narrative et littéraire, les amateurs français de Krasznahorkai pourront, qui plus est, glisser dans l’encoche prévue à cet effet l’élégant fascicule agrafé que propose également Cambourakis, La venue d’Isaïe. L’occasion de cheminer encore un peu au côté de György Korim. Et de vérifier la place majeure de László Krasznahorkai dans la littérature contemporaine.
Al. F.
