Le "tigre bleu", animal ou fleuve d’Asie ? A la sortie de l’épreuve du bac français 2015, la question était sur les lèvres de tous les lycéens de première S et ES, qui avaient dû plancher en commentaire sur la pièce de théâtre Le tigre bleu de l’Euphrate (Actes Sud, 2002) de Laurent Gaudé. Inconnu de la plupart des candidats quelques heures auparavant, le romancier avait essuyé la colère de lycéens n’hésitant pas à l’interpeller directement, et plutôt crûment sur Twitter : "Juste une petite question, t’habites où Laurent Gaudé ? En plus comme ton texte est au bac, t’es pas censé être mort ?"

François-Henri Désérable- Photo C. HÉLIE/GALLIMARD

Il n’est pas mort. Parmi les nombreux auteurs vivants dont les textes sont étudiés au collège ou au lycée, beaucoup se rendent même dans les classes à la demande d’un enseignant ou dans le cadre d’une tournée pour un prix des lycéens. Le tout jeune François-Henri Désérable, dont le recueil de nouvelles Tu montreras ma tête au peuple (Gallimard, 2013) vient d’être publié en "Folioplus classiques", s’est d’abord senti flatté avant que n’apparaisse un sentiment "d’indignité : pourquoi moi ? et pourquoi si jeune ? Heureusement, avec mon prénom et le sujet du livre, on pensera peut-être qu’il s’agit de l’ouvrage un peu oublié d’un académicien mort au début du XIXe siècle !".

Sorj Chalandon joint aujourd’hui systématiquement une rencontre scolaire à ses déplacements en librairie. Il se souvient encore de son étonnement lorsque, dans un salon, un cinquième adolescent en deux heures est venu lui réclamer la version poche du Quatrième mur (Grasset, 2013). "J’ai fini par lui demander pourquoi il l’achetait, ce à quoi il a répondu : "Parce que je suis obligé, on l’étudie à l’école !"" Pour Gaëlle Josse aussi, l’émotion a été grande après le premier coup de fil d’un professeur lui demandant de venir parler en classe de son livre Les heures silencieuses (Autrement, 2011), permettant notamment d’aborder la question de la condition de la femme. "C’est une reconnaissance d’entrer ainsi dans les établissements, et je suis toujours bluffée par le travail réalisé en amont par les enseignants. Et puis, comme me l’a fait remarquer un professeur, les livres étudiés en cours sont parfois le seul bagage culturel qu’emportent les élèves à la sortie de l’école. C’est une responsabilité", note celle qui se livre désormais à une douzaine de rencontres par an.

Lauréat du prix Goncourt des Lycéens 2014 pour Charlotte (Gallimard), David Foenkinos prend "à chaque fois beaucoup de plaisir" à rencontrer des élèves : "Cela désacralise l’image poussiéreuse de l’écrivain, et entraîne des échanges passionnants. Ils posent des questions sur le texte, mais aussi sur la vie quotidienne d’un écrivain ou sur l’argent." Hélène Grémillon, encore marquée par la superbe adaptation du Confident (Plon, 2010) présentée par les lycéens participant au festival Livresse de lire de Brest, explique "accepter la moindre sollicitation de professeurs" tant elle apprécie l’exercice. "La discussion à bâtons rompus avec uniquement des personnes qui ont lu le livre est très différente de celle que je peux faire en librairie ou dans un salon." A la rentrée, elle aura d’ailleurs les honneurs de la collection "Folio+ collège" : "C’est une forme de consécration, et pédagogiquement je trouve cela formidable d’étudier de jeunes auteurs, sans que cela exclue les classiques." M. D.

Les dernières
actualités