Je comprends les positions des partisans de l’open access et, dans une certaine mesure, je les partage. Mais nous assistons à une radicalisation néfaste des propos tenus par des responsables d’établissements et des responsables publics. » C’est en ces termes que Marc Minon, directeur de Cairn, la plateforme de diffusion de revues en sciences humaines et sociales, ouvrait le 11 février à Paris la journée de réflexion qu’il organisait sur les spécificités des sciences humaines.
En réaction.
Cette rencontre était aussi une réaction au colloque Couperin de janvier, au cours duquel quelques propos radicaux avaient profondément choqué les éditeurs, discrètement présents dans la salle. Jean-Claude Guédon, professeur à l’université du Québec, avait par exemple affirmé que la question du business model était un faux problème et suggéré que les droits d’auteur des chercheurs soient gérés par une instance nationale, tandis que Bernard Rentier, recteur de l’université de Liège, fustigeait « les appétits financiers de quelques requins de l’édition ». « Les bibliothécaires ont raison de dénoncer le racket mené par quelques grands éditeurs internationaux, a affirmé Philippe Minard, directeur de la Revue d’histoire moderne et contemporaine, lors de la rencontre Cairn. Mais nous ne devons pas en être les victimes collatérales. » Les intervenants ont tous tenu à souligner les différences entre les revues de sciences sociales et les revues de sciences dures, même s’il existe de nombreuses disparités selon les disciplines au sein même de ces dernières, comme l’a rappelé Jean-Marc Quilbé, directeur d’EDP Sciences. Ce dernier a exposé comment il convertissait progressivement ces revues selon la voie « dorée », estimant que le modèle de l’abonnement payant n’était plus adapté. Mais pour les éditeurs de revues de SHS, dont la plupart atteignent tout juste l’équilibre financier, cette solution paraissait difficile à tenir.Différentes expériences, menées selon la voie verte, dorée ou platinium (voir l’article précédent), ont été débattues. Mais, tout comme au colloque Couperin, aucune solution privilégiée ne s’est dégagée des échanges pourtant riches de la journée. Pour Ghislaine Chartron, professeure à l’INTD et au Cnam, l’objectif des 100 % d’articles issus de la recherche financée sur fonds publics en archives ouvertes d’ici 2020 ne pourra pas être atteint sans qu’on ait recours à des mandats de dépôt obligatoire, le système expérimenté par les National Health Institutes aux Etats-Unis et qui va s’appliquer désormais à toutes les agences fédérales américaines, et à des accords avec les éditeurs accompagnés de compensations financières, modèle que s’apprête à appliquer la Grande-Bretagne à l’échelle nationale à partir d’avril prochain. <