Weltbild, groupe d'édition et de librairies, deuxième site de vente de livres en ligne en Allemagne après Amazon, devrait être vendu, probablement en 2013. La raison ? Les évêques allemands, qui détiennent ce groupe, condamnent les livres à caractère “pornographique et ésotérique” qu'il diffuse, et ont pour cela décidé début novembre de céder l'entreprise.

La controverse a commencé en 2008, par la diffusion d'un document émanant de catholiques conservateurs accusant Weltbild de diffuser des livres “sataniques et pornographiques”. Les faits se sont accélérés ces dernières semaines dans la presse, avec des articles qui n'hésitaient pas à affirmer que l'église gagnait “des millions avec le porno”. L'affaire est même allée jusqu'au Vatican où, début novembre, Benoît XVI a demandé aux évêques de faire cesser la diffusion de supports à caractère pornographique sur Internet.

Carel Halff, P-DG du groupe, présent depuis 1975 dans l'entreprise, remet les choses à leur place auprès de l'agence Reuters : “Nous utilisons la base de données commune à tous les éditeurs.” Et sur son site, le 25 novembre, Weltbild fait une mise au point en précisant que les livres apparaissant sous l'intitulé “érotisme” ne représentent pas plus de 0,017 % du chiffre d'affaires : “L'offre que nous proposons est celle disponible sur le marché allemand. La censure n'a pas sa place, nous nous adressons à des citoyens responsables”, est-il dit en substance.

Figure majeure de l'édition et de la distribution généralistes, Weltbild, dans son expansion, a fait un peu oublier l'actionnariat tout à fait atypique de ce groupe : il appartient conjointement à 12 diocèses catholiques, à l'association des diocèses d'Allemagne et à la Pastorale des armées de Berlin. Fondé en 1948 à Augsbourg (Bavière), Weltbild publie alors le magazine catholique Mann in der Zeit. C'est à partir des années 1970 que le groupe, qui diffuse toujours des publications catholiques, se lance dans la vente à distance, déploie progressivement ses activités à l'ensemble des secteurs d'édition et ouvre des librairies.

Implanté en Allemagne, Autriche, Suisse et Pologne, le groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 1,657 million d'euros durant l'exercice 2010-2011, emploie 6 400 salariés (ils étaient 710 en 1990), possède 469 points de ventes sous différentes enseignes et pèse environ 19,9 % du marché du livre sur Internet. Weltbild détient 100 % du grossiste en livres Fiegweil & Taubert Gruppe, 50 % des éditons Droemer Knaur, 49 % de c-Books Germany et 33 % du site de vente de livres Buecher.de. En outre, le groupe a conclu une joint-venture avec la grande librairie munichoise Hugendubel pour créer DBH, holding de librairies traditionnelles qui a hissé la structure au deuxième rang du classement annuel des librairies établi par l'hebdomadaire Buchreport, derrière la chaîne Thalia.

L'affaire est d'autant plus sensible en Allemagne que la vente de Weltbild perturbera sans doute le marché du livre et entraînera probablement un démantèlement de l'entreprise. Les noms de Bertelsman et Holtzbrinck sont cités comme repreneurs potentiels.