Rayon X Parascolaire

Les grandes manœuvres

Skate park de Sceaux - Photo OLIVIER DION

Les grandes manœuvres

Les années Covid ont dynamisé les ventes de livres parascolaires et durci la concurrence. Dans un marché désormais en voie de normalisation, les éditeurs revoient massivement leur offre pour défendre leurs positions.

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Par Par Charles Knappek
Créé le 18.05.2022 à 19h00 ,
Mis à jour le 23.05.2022 à 12h34

Grand gagnant de la crise sanitaire, le marché du parascolaire a renoué avec une quasi-normalité en 2021, bouclant l'exercice en léger recul (-0,8 % en valeur selon GFK). La performance est loin d'être mauvaise tant les ventes record de 2020, au temps de « l'école à la maison », avaient bouleversé les équilibres et les saisonnalités. Certes, l'activité reste marquée par de fortes disparités selon les segments. Ce sont surtout les classiques pédagogiques (+ 14 % en valeur) et, dans une moindre mesure en raison de leur importance plus modeste dans le total des ventes, les annales (+ 7,1 %) qui « sauvent » la croissance. Le soutien, qui représente à lui seul 40 % du parascolaire, a reculé de 4,4 %. Mais si le coup d'arrêt est sensible, les deux dernières années ne resteront pas sans conséquences. « Le Covid-19 a changé les habitudes de consommation, le parascolaire a gagné des foyers », estime Monique Paillat, directrice éditoriale chez Nathan Univers Jeunesse. Dans la lignée des développements des dernières années qui intègrent les pédagogies alternatives et une bonne dose de ludique, les éditeurs ont donc continué à imaginer de nouveaux concepts et formats.

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Monique Paillat, directrice éditoriale chez Nathan Univers Jeunesse.- Photo OLIVIER DION

Nouvelles propositions

En soutien justement, largement porté par le succès des séries dites de « première lecture », à commencer par le leader Sami et Julie (Hachette Éducation), de nouvelles propositions voient le jour. Un an après s'être attaqué au segment avec « Les Incollables : premières lectures », Play Bac poursuit l'installation de la collection et publiera en juin une méthode de lecture syllabique. Bordas a inauguré en janvier la série « J'apprends à lire avec Olive », autour de laquelle gravite tout une offre de consommables (cahiers effaçables, cahiers de coloriage) et un ouvrage de méthode syllabique et phonétique. Magnard lance de son côté en juin la collection « Je découvre et je lis ». Contrairement à la plupart des séries existantes, « Je découvre et je lis » ne reposera pas sur de la fiction mais sur des documentaires. « Nous avons voulu sortir du schéma classique des petits personnages qu'on voit partout pour proposer une approche documentaire qui renouvelle l'apprentissage de la lecture », explique Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard-Vuibert. Fidèle à ses héros Mila et Noé, qui incarnent depuis 2016 la série « Regarde, je lis ! », Nathan les a, pour sa part, présentés en bande dessinée pour la première fois en février dans deux courts albums destinés aux CE1. « La BD en parascolaire est un phénomène encore assez récent, elle permet de sensibiliser les lecteurs aux codes du genre avec les bulles de pensée ou les onomatopées », détaille Quentin Gauthier, directeur marketing et communication univers jeunesse chez Nathan. L'éditeur renforce aussi sa gamme de coffrets conçus selon la méthode de Cécile Zamorano avec une nouveauté J'apprends à lire en manipulant.

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Carine Girac, directrice du département périscolaire chez Larousse.- Photo OLIVIER DION

Pour les deux ans de sa collection « Apprendre à lire avec les Alphas », née en plein confinement de 2020, RécréAlire engage pour sa part une campagne de communication en librairie et annonce neuf nouveautés d'ici la fin de l'année. L'éditeur, qui va adapter la série au marché suisse en publiant six titres conformes au système HarmoS, a aussi lancé début avril une formation d'e-learning destinée aux enseignants. « Avant la pandémie, la créatrice des Alphas, Claude Huguenin, proposait ces formations en présentiel, rappelle David Moulin. Si l'essentiel de notre activité repose sur le parascolaire, nous adaptons aujourd'hui notre outil formation pour renforcer notre présence dans les écoles. »

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Contenus supplémentaires

Hors des premières lectures, le soutien voit aussi les éditeurs à l'offensive. Hachette Éducation a lancé en début d'année une série d'entraînements à l'intérieur de sa collection « Pour comprendre ». Couvrant les cinq années de primaire avec des exercices en français, mathématiques, anglais et dictée, cette nouvelle offre est conçue pour « compléter ce que les enfants apprennent en classe », explique Nathalie Théret, directrice du département parascolaire et supérieur d'Hachette Éducation. Hatier de son côté engage la refonte ce mois de mai des 57 titres de sa collection d'entraînement « Chouette », centrée sur le primaire et le collège, avec de nouvelles couvertures, une maquette intérieure modernisée et l'apparition de contenus supplémentaires de type mémos et cartes mentales. En juillet, l'éditeur publiera également des tout-en-un couvrant les trois niveaux de maternelle sous la licence Suzanne et Gaston. Larousse alimente son offre de cahiers de soutien Montessori, Bordas refond ses collections historiques « L'année de » et « Les livres-ardoises ». Play Bac adopte le format de cahiers tout-en-un pour lancer une série de trois titres « Vive la maternelle » sous la marque Les Incollables. Tirés chacun à 8 000 exemplaires, « ces ouvrages sont positionnés en complément des éventails de questions/réponses dans une approche qui associe le ludique des Incollables au sérieux d'une équipe pédagogique experte », explique Marjorie Baudry, chef de groupe enfants chez Play Bac. En support de la collection de tout-en-un « Je comprends tout », Nathan annonce pour juillet une série de dix titres mono-matières français et maths « Mon cahier à la maison ».

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VENTES PAR CATEGORIES D'OUVRAGES- Photo A NOIR

Réviser en BD

Au collège et au lycée, le recours à la bande dessinée se banalise. Nathan s'est prêté au jeu avec, par exemple, une petite série « C'est facile en BD ! » lancée l'an dernier avec un titre Maths 6e et qui proposera en juillet un second opus Maths 5e. C'est aussi par les bulles que Belin Éducation développe son catalogue. La marque du groupe Humensis ouvre en juin la collection d'anglais « Manga Twist », qui adapte en version bilingue anglais/français de grands classiques de la littérature anglo-saxonne comme Alice au pays des merveilles et Oliver Twist. Sauce manga oblige, les histoires se parcourent de droite à gauche et il faut retourner les ouvrages pour passer d'une version à l'autre. « C'est la première fois que nous avons recours au manga en parascolaire, l'idée est de faire de l'anglais en s'amusant », souligne Turiane Guitton, directrice marketing opérationnel et international chez Belin Éducation. Deux autres titres sont prévus d'ici la fin de l'année. Toujours en images, mais en bande dessinée cette fois, Belin Éducation a aussi étendu à la philosophie son partenariat avec La Boîte à Bulles. En janvier, les deux maisons ont coédité les quatre premiers albums de la série « Toute la philo en BD », conforme au programme de terminale.

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evolution des ventes- Photo ANOIR

Après le flottement des années Covid, les épreuves du brevet et du baccalauréat devraient se dérouler normalement cette année, ce qui pousse les éditeurs à actualiser leur offre. Après avoir inauguré l'an dernier la collection « Brevet pratique », Magnard a refondu en janvier les 24 titres de la collection de fiches de révisions « spécial bac », optant là encore pour un concept de couvertures monochromes - le corail pour le lycée - « qui rompt avec les codes marketing du genre », souligne Célia Michel, responsable collège et lycée du pôle grand public. En juillet, la collection s'étoffera de quatre titres disciplinaires proposant cours, méthodes et exercices et, de manière plus originale d'un consommable enrichi Mon carnet de lecture pour réussir le bac de français. Hachette Éducation, de son côté, complète sa gamme « Objectif Bac » avec plusieurs nouveautés couvrant des matières de tronc commun ou de spécialité. L'éditeur signale également la progression de la collection scientifique d'entraînement intensif « Exos résolus ». « Nous avons un fonds très repéré pour sa qualité qui nous permet de continuer à faire la différence », souligne Claire Inizan, directrice éditoriale du département parascolaire d'Hachette Éducation. L'éditeur s'appuie en parallèle sur une sélection resserrée de titres « experts » incarnés par des vedettes des réseaux sociaux comme Amélie Vioux en français ou Monsieur Phi en philosophie.

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principaux éditeurs- Photo ANOIR

Kits de survie

De la même manière, Hatier enrichit sa collection « Prépabac » avec des titres de spécialité qui manquaient encore à son catalogue comme Humanités, littérature et philosophie ou Anglais monde contemporain. Ellipses complète « Entraînement au bac », déployée l'an dernier, et annonce pour juillet une collection « En cartes mentales ». Très ambitieux sur le marché, Belin Éducation poursuit l'installation de « Focus Bac », lancé en août 2021. « Avec Focus Bac, nous avons décidé de reprendre la parole sur le segment des examens », énonce Turiane Guitton. En partenariat avec SchoolMouv la collection propose des « kits de survie » numériques incluant vidéos, quiz interactifs et accès à un prof particulier en ligne pour compléter les révisions papier.

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David Moulin, directeur général des éditions RécréAlire.- Photo OLIVIER DION

Enfin, porté par la prescription des œuvres imposées pour le bac de français, le marché des classiques pédagogiques mobilise lui aussi les énergies, y compris au collège où les professeurs continuent de choisir les œuvres étudiées. L'arrivée en 2021 des « Ateliers d'Actes Sud », après le lancement, en 2020, de « Déclic », chez Belin Éducation, en sont l'illustration. « Déclic » revendique 250 000 exemplaires vendus et Belin Éducation, pour accompagner les 12 nouveautés de la rentrée, organise un concours de lecture à voix haute en direction des collégiens.

Nouveaux territoires littéraires

Les éditeurs n'hésitent pas non plus à explorer de nouveaux territoires littéraires. « Même si les grands classiques concentrent les ventes, la liberté pédagogique des enseignants de collège nous permet de faire preuve de créativité et de rencontrer le succès », souligne Apolline Odonne, éditrice « Étonnants classiques », chez Flammarion. La collection a par exemple dépassé les 10 000 exemplaires vendus avec un texte peu connu de Maurice Genevoix, La mort de près, et mise cette année sur les Contes de Mme d'Aulnoy.

L'attractivité est l'autre maître-mot. Alors qu'Hatier propose désormais ses « Classiques & Cie » en couleur, Larousse prépare pour juin la refonte progressive des « Petits classiques » collège, qui passeront en quadri pour « aider les élèves à mieux se repérer dans le texte », explique Carine Girac, directrice du département périscolaire. Larousse va aussi différencier les niveaux collège/lycée sur les couvertures et ajouter une partie consommable pour permettre de commenter les lectures. De son côté, Magnard a publié fin avril son premier « Classiques et contemporains » écoresponsable, Sept nouvelles de la Terre.

Au lycée, la concentration des ventes sur les 12 œuvres imposées au programme durcit la concurrence. Hatier refond la collection « Profil bac » avec de nouvelles couvertures plus illustrées et une maquette intérieure tout en couleur. Les premiers titres bénéficiant de la refonte sont les trois nouvelles œuvres imposées pour le bac de français 2023. Après son rechartage de l'an dernier, « Étonnants classiques » intègre une version audio des passages des œuvres étudiées en classe. « Les élèves doivent effectuer une lecture expressive des textes lors de l'épreuve de français. La lecture audio professionnelle les aide à s'y préparer », précise Apolline Odonne. Avec ses romans à deux euros sans notes de bas de page, Librio joue de son côté la carte du petit prix. « Pour rester attractif, nous ne proposons que les ouvrages avec une faible pagination », explique Astrid Chauvineau, éditrice « Librio », chez Flammarion. L'éditeur a notamment envoyé 20 000 spécimens des Mémoires de deux jeunes mariées de Balzac pour toucher plus spécialement les séries technologiques.

Bescherelle conjugue les mathématiques

Bescherelle conjugue les mathématiques

Du nouveau sous le soleil

Plus écolos, plus ludiques et plus transversaux, les cahiers de vacances sont aussi plus nombreux que jamais à se disputer un marché toujours très dynamique.

S'il a un peu marqué le pas en 2021, avec un recul de -1,8 % en valeur selon GfK, le segment des cahiers de vacances reste un incontournable du marché parascolaire, dont il génère à lui seul plus d'un cinquième du chiffre d'affaires. Dominé par Passeport et Nathan Vacances, il fait l'objet de nombreux développements. L'écoresponsabilité, en particulier, mobilise de plus en plus, à l'instar de ce qu'a déjà fait Magnard l'an dernier en lançant la collection « Vacances vertes ». Imprimée en papier écoresponsable et proposant du papier ensemencé avec des graines de coquelicot, dotée de couvertures compostables, celle-ci représentait un pari osé sur le plan technique, qui s'est avéré gagnant : « Les cahiers Vacances vertes, en complément de nos cahiers de vacances traditionnels, nous ont permis de gagner trois points de parts de marché », souligne Carole Gavaggio, responsable du secteur maternelle et primaire du pôle grand public. Cette année, Magnard complète son offre avec un titre de la 6e à la 5e et voit arriver de nouveaux acteurs sur un positionnement voisin : Hatier, qui avait déjà proposé des « Cahiers de vacances nature » en 2020, inaugure en mai une collection « Mon cahier de vacances pour la planète », couvrant les cinq années de la primaire. Imprimé en papier recyclé, chaque titre s'empare de 20 thèmes sur la nature et l'écologie et arbore des couvertures sans pelliculage plastifié.

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Damien Hervé, directeur éditorial chez Auzou.- Photo OLIVIER DION

Mais dans un marché où les gros volumes de ventes concernent toujours les formats classiques, tous les éditeurs ne sont pas prêts à basculer vers le tout-écolo. Certains verdissent leurs titres par petites touches. Outre Nathan qui inclut depuis déjà quelque temps des livrets nature dans ses cahiers de vacances, c'est aussi le cas d'Auzou : l'éditeur s'attaque au marché avec une nouvelle offre de sept cahiers « Auzou Vacances », de la grande section à la 6e, qui succède aux cahiers « Je progresse en vacances ». Des livrets nature incluant diverses activités sont offerts avec les titres. « Pour la première fois, nous avons choisi de mettre en avant le nom de la maison avec une offre de cahiers généralistes qui rassure les parents et propose, de manière compartimentée, un livret pour sensibiliser les enfants aux enjeux écologiques », détaille Damien Hervé, directeur éditorial du pôle parascolaire.

Fort de sa position de leader historique avec Passeport, Hachette Éducation annoncera début mai un partenariat majeur. « Nous allons rehausser les gammes collège et adulte », confie Nathalie Théret, directrice du département parascolaire et supérieur Hachette Éducation. Troisième acteur du marché grâce à une grande variété de concepts et plusieurs licences à succès (Pokémon, Fort Boyard, Koh Lanta, Simon Super Lapin...), Playbac étoffe cette année son offre de cahiers de vacances Les Incollables avec un titre de la 6e à la 5e. En revanche, l'éditeur arrête d'exploiter la licence Peppa Pig, dont les performances étaient en baisse.

Avec son offre traditionnelle, Magnard mise de son côté sur des cahiers transversaux. L'éditeur a publié en avril un titre de coloriages éducatifs pour les trois années de la maternelle et un titre spécial anglais CM1/CM2 permettant de revoir ses fondamentaux avant l'entrée au collège. « Il y a d'énormes différences de niveau en anglais selon les classes en primaire. L'objectif de ce titre est de faciliter la transition avec la 6e », détaille Laurent Breton, directeur du pôle grand public chez Magnard-Vuibert.

Challenger, Bordas redéploie ses cahiers Bordas Vacances, qui ont peiné à trouver leur public pour leur lancement l'an dernier. « Nous avons rencontré des difficultés de mise en place, concède Charles Ladoucette, directeur éditorial. Cependant, nous croyons aux qualités de notre collection et nous revenons cette année avec de fortes ambitions.  » L'éditeur lance également une nouvelle offre de cahiers de vacances ludiques intitulée « Je joue, je révise ! », du CP à la 6e.

Sur le sous-segment des cahiers de vacances ludoéducatifs, dont les collections sont pour la plupart déployées dès avril en librairie, Hachette Éducation a restructuré ses « Petites énigmes » en trois séries Jeux et énigmes, Escape games et Lecture mystère. Chez Nathan, la collection historique de romans « L'énigme des vacances » est pour la première fois déclinée en un jeu de plateau collaboratif. De son côté, Larousse propose de réviser son français et ses maths en manga avec quatre titres « Les énigmes de Naruto », allant du CM1 à la 5e. En partenariat avec Delcourt, l'éditeur a également étendu la série « Les légendaires » aux niveaux 6e et 5e.

18.05 2022

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